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INSTRODUCTION

la nature, mais surtout éducation d’homme qui apprend de bonne heure et par l’expérience l’égalité fondamentale des hommes frères.

Je crois que ce sentiment de la fraternité dans l’égalité qui a été le premier dans l’âme du poète y est resté le plus fort. Il y apparaît naturel, ce qui surprend au premier abord, parce que, comme le disait si bien Michelet, nous affirmons volontiers l’égalité, mais nous serions étonnés qu’on nous demandât de la pratiquer ou même simplement d’y croire.

La bonté est la vertu qui nous coûte le plus ; aussi nous cherchons, sans nous l’avouer, à supprimer les motifs d’être bons. Nous sommes partagés en castes et en classes rivales, et, comme si ce n’était pas assez de cette division naturelle, nous avons inventé les partis qui sont la manifestation la plus décisive de l’égoïsme. Jean Aicard a voulu n’être d’aucun, ce qui est difficile, touchant et périlleux, surtout quand on écrit des livres. Les livres de parti sont les seuls que la réclame daigne servir et que les puissants consentent à soutenir ; les autres doivent se soutenir tout seuls.

Mais ce qui vaut mieux que le succès bruyant c’est la possibilité de faire du bien en rapprochant les hommes. Le poète doit être en dehors et au-dessus des partis pour les unir à certaines heures dans le culte de quelques grandes idées qui est commun à tous et pour devenir ainsi, en quelque sorte, comme disait encore Michelet, le médiateur de la cité.

Pour vous réjouir, lecteur, après les souvenirs personnels, vous trouverez ici quelques contes. Ils ne sont pas durs et grossiers comme nos vieux fableaux, ni gras et énormes comme les récits de Rabelais, ni violents et méchants comme ceux de Maupassant ; ils sont joyeux, bruyants et épanouis.