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Ha Deesse, que de martire
Je souffre en deschargeant mon yre
Dessus moy pour l’amour de vous !
Mais je ne puis trouver de penne,
D’exquise torture, de geenne,
Ny torment qui ne soit trop doux.
Ce peché fait que triste & blesme,
De regrez j’afflige moy mesme,
Je me desplais avec esmoy
De ma trop douce penitence,
Et je ne trouve en mon offence
Juge plus severe que moy.
J’ay voullu transonner de rage
La langue qui me fit dommage,
Pensant seulement me joüer,
Je ne l’osay faire de crainte
Que la force ne feust esteinte,
Ne l’ayant que pour vous loüer.
Je m’esbahis à part moy comme
Celuy qui du ventre de l’homme
Reprenoit le plus grand des Dieux,
Ne trouvoit une chose estrange
Mettre l’injure & la louange
En un membre si precieux.
Car comme l’espee ou la lance,
On a la langue pour deffence
Et pour l’ennemy offencer,
Mais celuy la est plein de folie (sic)
Qui forcenant en son envie,
De son couteau se vint blesser.
D’Adonis la face divine
Ne fit tant pleurer la Ciprine
Comme a pleuré mon cueur marry,
Ny Enee pour son Anchise,