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LXX.

Diane, des le jour que l’esclair de ta face
Affrianda mes yeux d’un appas enchanteur,
Je n’ay peu adviser si je doy’ plus d’honneur
A ta douce beauté, ta sagesse, ou ta grace :

L’une me brusle, & l’autre a fait transir de glace
Mon espoir, la troisieme a mis dedans mon cœur
Un vif pourtraict non feinct d’une feinte douceur,
Fondement sablonneux où j’assieds mon audace ;

Ta beauté fit voler mon ardeur jusqu’aux Cieux,
Ta sagesse l’asseure & fait esperer mieux,
Tes gracieux accueils eslevent mon envie ;

Ta beauté me fera supporter ta rigueur,
Ta sagesse pourra excuser mon erreur,
Ta grace interinant la grace de ma vie.


LXXI.

Les lys me semblent noirs, le miel aigre à outrance,
Les rozes sentir mal, les œillets sans couleur,
Les mirthes, les lauriers ont perdu leur verdeur,
Le dormir m’est fascheux & long en votre absence.

Mais les lys fussent blancs, le miel doux, & je pense
Que la roze & l’œillet ne fussent sans honneur,
Les mirthes, les lauriers fussent verds du labeur,
J’eusse aymé le dormir avecq’ vostre presence.

Que si loin de vos yeux à regret m’absentant,
Le corps endurait seul, estant l’esprit content :
Laissons le lys, le miel, rozes, œilletz desplaire,

Les myrthes, les lauriers des le printemps fletrir,
Me nuire le repos, me nuire le dormir.
Et que tout, hormis vous, me puisse estre contraire.