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XXXIV.

Guerre ouverte, & non point tant de subtilitez :
C’est aux faibles de cœur qu’il faut un advantage.
Pourquoy me caches-tu le Ciel de ton visage
De ce traistre satin, larron de tes beautez ?

Tu caches tout horsmis les deux vives clartez
Qui m’ont percé le cœur, esblouy le courage,
Tu caches tout horsmis ce qui me fait dommage,
Ces deux brigands, tyrans de tant de libertez ;

Belle, cache les rais de ta divine veuë.
Du reste si tu veux, chemine toute nuë,
Que je voye ton front, & ta bouche & ta main.

Amour ! que de beautez, que de lys, que de rozes.
Mais pourquoy retiens-tu tes pommettes encloses !
Je t'ay monstré mon cœur, au moins monstre ton sein.


XXXV.

Je ne sçay s’il te souviendroit
Qu’en ta main blanche & grasselette
Mesloit de liaison bien faicte
Ton doigt mescogneu de mon doigt,

En ce las d’amour se perdoit
Comme au cep mon ame subjecte,
Nous chantions d’une main muette
Le feu qui au sein se fondoit ;

Si tu es fine assez, devine
Ce que sur nos doigts j’imagine
Qui sont entrelassez ainsi,

Si tu devines nos pensees
Qui s’accorderont en ceci
Comme nos doigts sont enlassez.