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XVIII.

Qui pourroit esperer en ayant affronté
Cest œil imperieux, ceste celeste face ?
Mais qui n’espereroit voyant sa douce grace,
Affriandé du miel d’une telle beauté ?

Qui pourroit esperer rien que severité
De ce visage armé d’une agreable audace,
Et qui n’esperera de pouvoir trouver place
En un lieu que merite un labeur indompté ?

Je ne puis esperer sachant mon impuissance.
J’espère & fay chemin d’une folle espérance ;
Si mon courage haut ne reussit à point,

Ny les fureurs du feu, ny les fers d’une fleche
Ne m’empescheront pas de voler à la breche,
Car l'espoir des vaincus est de n’esperer point.


XIX.

Je sen bannir ma peur & le mal que j’endure,
Couché au doux abry d’un mirthe & d’un cypres,
Qui de leurs verds rameaux s’accolans prés à prés
Encourtinent la fleur qui mon chevet azure,

Oyant virer au fil d’un muzisien murmure
Milles Nymphes d’argent, qui de leurs flotz secrets
Bebrouillent en riant les perles dans les prets,
Et font les diamans rouller à l'adventure

Ce bosquet de verbrun qui cest’ onde obscurcist,
D’Eschos armonieux, & de chants retentist.
O sejour amiable ! ô repos pretieux !

O giron, doux support au chef qui se tourmente !
0 mes yeux bien heureux esclairez de ses yeux,
Heureux qui meurt icy & mourant ne lamente !