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132 LE PRIMTEMS DU SIEUR 'DAUBIGNÉ.

Bras d’yvoire pottelez,
O beaux yeulx, claires fontaines
Qui de plaistr ruiffelez,

O giron, doux suport, beau chevet esmaillé

A mon chef travaillé !
Vos doulceurs au ciel choisies,
Belle bouche qui parlez,
Sous vos levres cramoysies
Ouvrent deux ris emperlez ;

Quel beaulme precieux flotte par les zephirs

De vos tiedes fouspirs !
Si je vis, jamais ravie
Ne soit ceste vie icy,
Mais si c’est mort, que la vie
Jamais n’ait de moy soucy :

Si je vis, si je meurs, ô bien heureux ce jour

En paradis d’amour !
Eh bien ! je suis content de vivre
Et ma peine est lors plus cruelle
Quand plus d’elle je fuis delivre.
Pourtant je vis de tout mon heur,
C’est que ma joye est lors plus belle
Plus je fais vivre ma douleur,

Plus ma peine accroist ma pensee,

Me flatte, me plaist & m’atire ;
Mais lors mon ame est courroucée
Quand mon coeur s’estonne pour eux,
Et quandje sens plus de martire
Que je n’ay le cueur amoureux.

Vostre œil, vostre beaulté, Madame,

A vaincu mes forces, de sorte
Qu’au feu de l'amoureufe flamme
Ma perte s’allume & s’estaint :
En moy la mort se trouve morte