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XV.

Ores es tu contente, o Nature meurtriere.
De ses plus chers enfans impitoyable mere,
Tigresse sans pitié,
As tu saoullé de sang ta soif aspre & sanglante,
Faisant finir ma vie en ma mort violente,
Mais non mon amitié ?
Pourquoy prens tu plaisir à orner tes merveilles
De ses riches tresors & beautes non pareilles
Que puis aprés tu veux
Garnir de plus de maux & de pennes cruelles
Qu’Ethna ne fait sortir, du creux de ses moëlles,
De souffres & de feuz ?
Si cest œil ravissant qui me mit en servage
N’eust fait naistre l’espoir au rais de son visage,
Ravissant mes esprits,
Ou qu’un sang plus espais, de masse plus grossiere
A preuve de l’amour n’eust de ceste guerriere
Si tost esté surpris :
Helas ! mon œil fut sec & mon ame contente,
Mon esprit ne fut mort par la crainte & l’atente,
Ma main pas ne seroit
Ny ce fer apresté prests à finir la vie
Qu’amour hait, qu’il avoit à aymer asservie
En si mortel endroit.
Je ne me plaindrois pas, si ma mort pouvoit faire
Au pris d’un sacrifice esteindre sa cholere
Et un peu l’apaiser,
Tant qu’en voiant la fin d’une amour non pareille
Par un funebre adieu de sa bouche vermeille
Je sentisse un baiser.
Mon esprit satisfait errant par les brisees