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le temps de se former entre les citoyens, cette masse flottante, un peu déconcertée, n’est pas aujourd’hui dans des conditions favorables à la parfaite maturité de jugement que suppose le choix du président de la République. Il est de la nature des institutions démocratiques d’améliorer promptement ces conditions de la vie politique d’un peuple. Il n’y a donc pas lieu de s’en alarmer beaucoup. Mais, sans rien exagérer, il ne faut pas nier l’évidence, et je craindrais fort que, dans les circonstances actuelles, l’élection du président par le vote universel n’eût pour unique effet de mettre à nu nos misères morales, et particulièrement la division des esprits et l’éparpillement des volontés.

Nommé à une majorité très peu considérable selon toute apparence, le président, entouré de rivaux qui, l’ayant serré de près dans la lutte, resteraient désignés comme chefs aux mécontens, le premier président de la République arriverait au pouvoir avec une autorité précaire, amoindrie, presque douteuse comme la majorité qui l’y aurait porté. Cette prétendue sanction du vote universel ne serait que la triste constatation de nos querelles intestines.

C’est un mal assurément d’ajourner l’application d’un principe hautement reconnu ; mais s’il s’agissait, par exemple, d’épargner au pays la confusion d’un choix ridicule, votre grand instinct politique n’inclinerait-il pas vers cet ajournement, et la raison d’état ne remporterait-elle pas au dedans de vous sur la raison philosophique ?

N’avez-vous pas vu, hier encore, comment une faction active, s’emparant de l’imagination populaire, a escamoté,