Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/477

Cette page a été validée par deux contributeurs.
475
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

malgré sa victoire, en proie à un sentiment de terreur auquel on ne saurait rien comparer depuis l’invasion de Rome par les barbares, salua son libérateur d’une acclamation unanime et lui remit, dans un véritable transport de reconnaissance, le soin de la conduire et de la préserver de nouveaux périls.

Depuis longtemps prévue, souhaitée par l’opinion, nécessitée enfin par l’événement, l’élévation du général Cavaignac avait un sens profond, auquel peut-être on n’a pas donné jusqu’ici une attention suffisante.

Pour la troisième fois depuis le renversement du trône de juillet, ce qu’on appelle la force des choses, c’est-à-dire cette voix latente qui se dégage à certains moments décisifs dans la vie des peuples de l’état général des idées et des mœurs, se prononçait et proclamait la République ; pour la troisième fois aussi, et à chaque fois d’un accent moins équivoque, elle marquait le caractère démocratique, mais le mouvement tempéré que le pays entendait donner au gouvernement républicain.

Le nom de M. de Lamartine au gouvernement provisoire, la popularité passionnée qui l’entoura et qui ne voulut voir que lui, même en ces heures d’ivresse où l’élément populaire débordé semblait assigner à quelques-uns de ses collègues le rôle principal, furent une première indication, mais déjà très-précise, des limites tracées à la révolution par le commun instinct ; les élections pour l’Assemblée constituante en furent un autre. Ces élections, aussi générales, aussi libres qu’il était possible de les concevoir, donnèrent à l’état républicain sa sanction, en même temps que son interprétation la plus large et la plus modérée.

Aussi, quand l’Assemblée constituante, en se réunissant, fit retentir le cri de : « Vive la République ! » ne parut-elle à personne ni hypocrite ni téméraire, car chacun sentait en elle et souhaitait qu’elle exprimât dans les lois l’esprit de liberté, d’égalité, de fraternité qui éclairait visible-