Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/449

Cette page a été validée par deux contributeurs.
445
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Sa perplexité fut extrême. Obéir à un pareil ordre n’était pas possible. Attaquer la barricade, c’était probablement donner le signal d’un meurtre. Après avoir, à différentes reprises, essayé de parlementer avec les insurgés, le colonel Thomas expédie un officier d’ordonnance au général Cavaignac, afin de l’informer du péril que courait le général Bréa et de prendre ses ordres.

« Le salut du pays avant celui des individus, répond Cavaignac. Si, d’ici à un quart d’heure, les insurgés ne se sont pas rendus, qu’on attaque la barricade. »

Aussitôt cet ordre reçu, le colonel Thomas forme les colonnes d’attaque.

L’artillerie, avec les sapeurs du génie, ouvre la marche ; la garde mobile s’embusque dans les arbres du boulevard et des jardins avoisinants. Des compagnies de la 2e légion, alternant avec des compagnies de la troupe de ligne, s’avancent vers la triple barricade qui défend la barrière.

On n’en était plus qu’à cinq cents pas, l’artillerie se disposait à ouvrir le feu, lorsque l’on voit sortir de la barricade un homme qui agite au-dessus de sa tête un mouchoir blanc. Arrivé à une portée de pistolet environ, cet homme se jette à genoux et s’écrie : « Fusillez-moi ! je vous avais promis la vie sauve du général Bréa, on vient de l’égorger. Fusillez-moi ! » C’était le maire de Gentilly. On le renvoie sans lui faire aucun mal ; on n’avait guère le temps de l’écouter. L’artillerie ouvrait son feu. En moins de dix minutes la brèche était praticable. La troupe s’avance ; elle se divise en deux colonnes qui tournent les insurgés et les serrent entre deux feux. Ils se débandent et fuient par la route de Gentilly ; ceux qui se réfugient dans les maisons y sont assiégés et forcés de se rendre.

Le colonel Thomas, heureux d’une si prompte victoire, cherche partout le général Bréa. Comme il entrait dans la salle de l’octroi, il voit son cadavre et celui de Mangin étendus, sur un banc. Un prêtre, qui leur a fermé les yeux, est à genoux près d’eux en prière.