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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

teurs ne cessent de répéter que l’Assemblée veut les voir massacrer tous, elle couvre d’applaudissements une proclamation que le général Cavaignac leur adresse dans le même dessein, et où s’exprime, avec le laconisme énergique des grands écrivains de l’antiquité, un sentiment de compassion et de clémence qui n’appartient qu’aux temps de la philosophie chrétienne :

« Ouvriers, et vous tous qui tenez les armes levées contre la patrie et contre la République, disait le général Cavaignac, une dernière fois, au nom de tout ce qu’il y a de respectable, de saint, de sacré pour les hommes, déposez vos armes. L’Assemblée nationale, la nation tout entière vous le demandent. On vous dit que de cruelles représailles vous attendent ; ce sont vos ennemis, les nôtres, qui parlent ainsi. On vous dit que vous serez sacrifiés de sang-froid : venez à nous ; venez comme des frères repentants et soumis à la loi. Les bras de la République sont tout prêts à vous recevoir. »

Plusieurs représentants s’offrent à porter le décret et la proclamation aux barricades, se flattant que, à la lecture de ces nobles et touchantes paroles, ils verront tomber les armes des mains des insurgés ; mais ce n’était là qu’une illusion. L’excitation des faubourgs n’a fait que s’accroitre pendant la courte suspension des hostilités. C’est à peine si quelques ouvriers consentent à écouter la proclamation et le décret de l’Assemblée nationale ; la plupart n’y voient qu’un piège tendu à leur crédulité. Le combat recommence plus opiniâtre et plus meurtrier qu’il n’a été encore.

À dix heures du matin, le général Bréa quitte la place du Panthéon et se met en marche à la tête d’une forte colonne composée de gardes mobiles, de troupe de ligne, d’une compagnie du génie et de deux pièces d’artillerie : en tout, à peu près 2,000 hommes. Le représentant de Ludre l’accompagne. Le général, dont le caractère est d’une extrême bonté, et que la vue de tant de sang versé inutilement a rempli de compassion, espère, en emmenant