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HISTOIRE

combat qu’une horrible tuerie. Cependant le général Damesme, s’apercevant que les insurgés perdent plus de monde encore que lui et apprenant que le colonel Thomas a complètement réussi à déblayer les rues avoisinantes, donne l’ordre d’attaquer l’église. Il fait disposer ses troupes des deux côtés de la rue Soufflot et mettre les canons en batterie sur le milieu de la chaussée. Lui-même, pour animer les soldats et pour diriger les canonniers, reste pendant une heure entière entre ses deux pièces, calme, impassible, sous le feu continu des insurgés qui tirent du haut des galeries. Par deux fois, il faut renouveler le service des canonniers. Enfin, vers midi et demi, les portes massives du Panthéon commencent à s’ébranler, le feu de l’ennemi se ralentit ; Damesme donne le signal de l’assaut, en y montant le premier. La garde mobile et les gardes nationaux de la 11e légion s’élancent vers les grilles, renversent tout devant eux, enfoncent les portes, se précipitent dans l’église, s’y battent corps à corps avec les insurgés, en désarment plus de mille ; le reste fuit par une porte de derrière, à travers les jardins du collège Henri IV, et se réfugie dans une enceinte de barricades qui relie la place et la rue de la Vieille-Estrapade, la place et la rue de Fourcy, avec la rue des Fossés-Saint-Jacques.

C’est à peine si Damesme laisse un moment reposer sa troupe ; dans le temps que le colonel Thomas attaque la barricade de la rue des Fossés-Saint-Jacques, il se porte à l’attaque de celle de la rue de l’Estrapade. Le canon et la fusillade grondent pendant près de cinq heures. À l’instant où l’on va s’emparer, après des pertes énormes, de la dernière barricade, rue de Fourcy, le général reçoit une balle dans la cuisse. Un cri de douleur retentit dans les rangs lorsqu’on le voit tomber. Un enfant de la garde mobile, qui ne l’a pas quitté, s’élance d’un bond sur la barricade, va droit à l’insurgé qui vient de tirer, lui applique son pistolet sur la poitrine, l’étend roide mort à ses pieds, le regarde un moment avec l’expression froide de la vengeance sa-