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INTRODUCTION.

nale, par la presse, par le jury et par la magistrature. Sous ces formes diverses, malgré quelques paroles frondeuses, quelques dissidences passagères, quelques actes de dépit dirigés contre tel ou tel ministre, ou plus volontiers en ces derniers temps contre le roi, il prêtait aux cabinets successifs auxquels était remise la conduite des affaires un appui intéressé et qui paraissait solide.

La bourgeoisie était prépondérante dans le corps électoral. Alanguie par la prospérité et par l’action continue d’un gouvernement qui la voulait soumise et non puissante, elle ne montrait plus aucune trace de cette vertu politique qui l’avait poussée à la glorieuse révolte de 1789. En conquérant le pouvoir, les dignités, la fortune, elle avait comme perdu le sentiment du droit. Le but atteint, son premier soin avait été de construire des barrières qui le rendissent inaccessible au reste des hommes. La classe moyenne, si sage en apparence, essayait une œuvre insensée : elle voulait arrêter à elle le mouvement de la liberté. Elle ne voyait plus dans le peuple qu’un compétiteur incommode, un ennemi qu’il fallait repousser à outrance dans les bas-fonds de la société, sous peine de se voir ravir par lui des biens dont elle voulait la possession exclusive.

Les deux chambres législatives secondaient de leur mieux ces instincts égoïstes. Frappée d’un coup funeste à son indépendance par l’abolition de l’hérédité, composée, suivant les besoins ministériels, de légitimistes ralliés, de nobles de l’Empire, de révolutionnaires de 1830, la Chambre des pairs n’en présentait pas moins, malgré ces éléments hétérogènes, une immense majo-