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INTRODUCTION.

La révolution de 1848, que je me suis proposé de raconter ici, va nous montrer dans un même moment cette double action de deux forces contraires. Essentiellement transformatrice, elle tend à décomposer et à recomposer, à dissoudre et à constituer ; elle est critique et organique, ou, pour emprunter les termes par lesquels l’instinct populaire a, dès le premier jour, exprimé son caractère complexe avec sa signification véritable, elle est politique et sociale. Ses convulsions annoncent tout ensemble l’agonie d’une force épuisée et l’avénement d’une force nouvelle que la société moderne renferme obscurément dans son sein. De là les vagues terreurs et les espérances plus vagues encore que la révolution de 1848 a suscitées dans les esprits. Selon qu’ils étaient plus ou moins frappés par l’un ou par l’autre de ces aspects, selon qu’ils appartenaient plus ou moins intimement au passé ou à l’avenir, à ce qui finissait ou à ce qui allait commencer d’être, on les a vus, en proie à un trouble extraordinaire, signaler dans les moindres faits, ceux-ci les symptômes effrayants d’une ruine complète, ceux-là le présage assuré d’une complète rénovation de l’ordre social. Il n’est pas très-aisé, à cette heure où le pays semble avoir entièrement oublié cet étrange moment de son histoire, de se rendre un compte exact d’une telle confusion d’idées. C’est pourquoi, avant d’entrer dans le récit des événements, avant de suivre le cours rapide d’une révolution si diversement comprise, je crois utile de remonter à son origine, afin de mieux marquer sa nature et de rendre plus sensible cette double action politique et sociale qu’il ne faut