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LA GRAND’MÈRE DE GILBERTE

mond ne m’avait pas dit que Molosse ferait du mal au petit ; c’était seulement pour voir s’il aurait grand’peur.

— Et quand ce n’eût été que la peur, crois-tu que ce n’est rien, Armelle ? Si, lorsque tu montes dans ta chambre, toi qui as si grand’peur la nuit, je me cachais dans un coin pour te faire crier, crois du que tu trouverais cela un joli jeu ? Non, n’est-ce pas ? Tu te fâcherais ; ta maman me gronderait et elle aurait bien raison ; car il n’y a pas de pire habitude que celle que prennent certains enfants d’effrayer les autres et de jouir de leur frayeur. C’est une marque de méchanceté, et il est arrivé souvent de grands malheurs quand ce jeu ridicule s’exerçait sur des enfants nerveux et faciles à effrayer. Maman nous a toujours beaucoup défendu un pareil amusement.

— Mais ce n’était qu’un petit pauvre ! reprit Armelle, qui, mal élevée, se figurait être d’une autre espèce que ses inférieurs.

— Un petit pauvre ! répéta Gilberte, qui, toute jeune, avait été habituée à considérer les pauvres au point de vue de la foi ; mais, ma chère Armelle, ce petit pauvre est autant que toi, et il mérite tout autant d’égards que