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LA GRAND’MÈRE DE GILBERTE

bien de douces remontrances qui me touchaient un moment ; mais à peine étais-je sortie de sa chambre que l’habitude reprenait le dessus et que je rendais tout le monde victime de mon humeur colère. Une seule personne jusque-là avait été à l’abri de scènes de ma part : c’était Ginevra. Je vous l’ai dit, j’avais pour elle une sorte de culte qui l’élevait à mes yeux, plus encore qu’aux yeux des autres habitants du château, au-dessus du monde ordinaire. Quand je la contrariais, eussé-je été très-impatientée moi-même, si je voyais poindre une larme dans ses grands yeux, je cédais à l’instant ; et il y avait alors souvent entre nous un combat de générosité, car Ginevra était trop bonne pour accepter un sacrifice de ma part.

« — Non, me disait-elle alors ; je t’en prie, Marguerite, faisons ce que tu veux ; je l’aime mieux maintenant. »

« Et la charmante enfant disait vrai ; elle n’eût pas joui de ce qui pouvait me contrarier.

« Un jour, jour qui restera à jamais gravé dans mon souvenir, je m’emportai contre elle, et elle qui jamais ne résistait à per-