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d’écrire à S. Exc. le ministre de la marine, de qui seul l’ordre peut émaner, d’expédier un ordre télégraphique à Rochefort, pour arrêter le départ du navire, et, dans le cas où il aurait mis à la voile, de faire parvenir le même ordre par la ligne télégraphique d’Espagne à Cadix, où le même vaisseau doit mouiller.

N’étant point informé officiellement que le conseil des ministres ait rien statué sur le sort de ces infortunés, et ne sachant pas même s’il a aucune connaissance des faits graves que je lui dénonce, je réitère en leur nom, et comme fondé de leurs pouvoirs spéciaux (dont copie a été remise à S. Exc. le ministre de la marine), dans les mains de V. Exc., ma protestation contre la séquestration de leurs personnes et rembarquement dont il s’agit.

Suppliant V. Exc. de vouloir bien mettre sous les yeux du Roi l’expression de leurs plaintes et de leur douleur, contre un acte inusité qu’aucune loi ne justifie, et que désavoue la justice.

Ceux pour lesquels je parle sont innocens ; ils ne sont convaincus d’aucun crime ou délit ; ils sont des sujets fidèles, des hommes industrieux ; ils méritent, eux et leurs familles, la protection de tous ceux auxquels S. M. a confié le dépôt de sa justice et de son pouvoir. Qui pourrait prendre la responsabilité d’une déportation extra-judiciaire, lorsque les tribunaux existent pour punir les coupables, s’il y en a ?

Je remplis en ce moment, Monseigneur, l’accomplissement d’un devoir rigoureux, et du mandat le plus sacré. Je serais coupable si je ne faisais parvenir les réclamations de mes cliens au pied du trône, et si je ne poursuivais, par tous les moyens qui sont en mon pouvoir, la justice qui leur est due.

Je supplie V. Exc. de me faire accuser réception de la présente pour ma décharge, et d’agréer l’expression de mon profond respect.

Signé Isambert.

N° VI. Lettre à S. Exc. le ministre de la marine et des colonies.

Paris, Ier juillet 1824.

Monseigneur, n’ayant pas reçu de réponse à ma lettre suppliante du 29, je dois penser que Votre Excellence désavoue la conduite des autorités qui déportent les malheureux colons de la Martinique.

Si un ordre légal existe, pourquoi ne l’a-t-on pas notifié ? Pourquoi ne m’a-t-on pas mis à portée d’en démontrer l’illégalité ? On notifiait autrefois les lettres de cachet.

Dans de si cruelles circonstances, je sais ce que mon devoir me commande, et je saurai l’accomplir.

Je suis avec un très-profond respect, etc. Isambert.