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malgré sa faiblesse, ose porter, presque jusqu’à la menace et à la rébellion, son opposition aux améliorations que réclame l’état des colonies, et que V. M. a daigné promettre.

La politique ne veut pas que l’on sacrifie la classe la plus nombreuse, la plus soumise et la plus fidèle, à une caste qui ne met pas de bornes à ses prétentions.

La politique commande l’union et la fusion la plus parfaite entre les sujets du même État ; mais il ne peut y avoir de fusion et d’union, là où tous les droits sont d’un côté, et où l’oppression la plus complète, sans espoir d’amélioration, se trouve de l’autre.

La politique ne permet pas que l’on réduise au désespoir une population nombreuse, active et industrieuse, qui ne demande qu’à bénir ceux qui la gouvernent, et qui ne réclame que la garantie des droits civils et de cité, qu’elle sait lui appartenir.

La politique ne veut pas qu’en réduisant la classe des hommes de couleur à un état d’ilotisme pire que l’esclavage, on les force à s’exiler volontairement, ou à nourrir au fond de son cœur une haine inextinguible contre ses oppresseurs, à se montrer indifférens ou même secrètement favorables aux mouvemens de la population esclave[1].

La politique doit savoir, selon l’expression d’un grave magistrat, que les États ne peuvent prospérer ni se maintenir sans bon ordre de justice.

En un mot la politique doit apercevoir l’étal actuel du nouveauù monde, et si c’est le moment de reculer : dans la carrière des améliorations sociales.

ISAMBERT,
avocat aux conseils du roi
Paris, 29 juin 1824.
  1. M. Malouet a écrit qu’aucune classe d’hommes ne se laisse avilir, et que le comble de l’absurdité est de placer les hommes de couleur à une telle distance des blancs, qu’ils croient avoir à gagner en devenant leurs ennemis.