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justificatifs[1] ; que l’ordonnance de 1757, qui leur a été appliquée, n’a jamais été publiée dans la Colonie ; quelle y est légalement inconnue, et ne pouvait être invoquée ; que même en France, cette ordonnance qui condamnait à la peine de mort les auteurs d’écrits séditieux, n’a jamais été exécutée, et quelle était tombée en désuétude[2] long-temps avant la révolution ; que fût-elle applicable, elle aurait été mal appliquée, puisque, d’après sa disposition expresse, les distributeurs d’écrits séditieux ne peuvent être recherchés qu’autant qu’on a omis de remplir les formalités légales ; que la brochure, qui a servi de base à la condamnation, a été imprimée, déposée à la direction de la police sans avoir été condamnée, et qu’ainsi nul ne peut être coupable pour l’avoir lue ou distribuée.

Un arrêt entaché de vices aussi graves, ne peut manquer d’être cassé. Mais comment se fait-il qu’aujourd’hui encore, la Cour suprême de cassation n’ait pu être saisie de ce pourvoi, et qu’on ait mis autant d’obstacles à ce qu’il fût même déclaré[3] ?

Il est dit que l’apparition de la brochure, au moment où l’autorité était avertie qu’une conspiration s’ourdissait dans l’ombre, a jeté l’alarme, et nécessité de la part du gouvernement des mesures de haute police.

Il résulte de ce considérant et de la circonstance même, que Bissette n’a été trouvé coupable que du colportage du libelle ; que cette brochure n’est pas

  1. La défense de Bissette fut confiée à un jeune avocat d’un mérite connu. Il n’eut pas le temps de rédiger un mémoire détaillé, ni de le communiquer à son client.
  2. Il est notoire qu’alors on se contentait de supprimer le livre, et qu’on n’instruisait jamais de procès criminel contre l’auteur.
  3. Le greffier a refusé de le recevoir, ainsi que le procureur-général, et il a reçu toute son exécution dans la colonie. Bissette, Fabien et Volny ont subi la marque. Si l’arrêt est cassé, comment effacera-t-on cette flétrissure ?