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aucunes charges dans la judicature ni dans les milices. On les flétrit, non-seulement dans le langage des privilégiés, mais encore dans les actes officiels, et même dans les lois coloniales, du titre de sangs-mêlés ; et ce qu’il y a d’incroyable, c’est qu’au lieu de favoriser le mélange des castes pour affaiblir cet intolérable préjugé, on est allé jusqu’à prohiber l’union des sexes et le séjour en France des hommes de couleur[1], comme si le sang d’un homme libre n’était pas toujours pur, et comme si ce que la Divinité tolère et protège sous le climat du nouveau et même de l’ancien monde, ne pouvait exister en Europe !

Un arrêt du conseil supérieur, du 18 février 1761, défend aux gens de couleur de s’assembler dans les églises et de catéchiser dans leurs maisons et habitations, à peine du fouet. Une ordonnance locale, du 9 février 1765, leur défend de s’assembler sous prétexte de noces, festins ou danses, à peine de 300 livres d’amende et de la perte de la liberté, même de plus graves peines s’il y échet.

Une autre ordonnance, du 11 mai 1785, leur défend de danser la nuit, et même le jour, sans la permission des officiers de l’administration.

Tous ces réglemens ont été renouvelés par un gouverneur anglais, le 1er novembre 1809. Ils sont en vigueur.

Une ordonnance des administrateurs, du 14 juin 1773, plusieurs fois renouvelée, leur a défendu de faire baptiser leurs enfans sous d’autres noms que ceux tirés de l’idiome africain, ou de leur métier et couleur, avec injonction de ne jamais prendre le nom de familles blanches.

Même dans l’application des peines, il existe une partialité déplorable. Une décision du 13 mars 1778, ordonne la publication d’un arrêt du conseil supérieur de l’Île-de-France, qui avait condamné un

  1. Décision ministérielle du 20 juillet 1807.