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tice ; elle le soustrait au contraire à ses juges naturels, quand elle est prononcée sans jugement.

Elle ne peut être non plus une mesure préventive, puisqu’elle produit des effets irréparables pour celui qui est obligé de souffrir la douleur physique d’une violente translation dans des climats souvent mortels, le chagrin d’une séparation brusque d’avec sa famille et tous les objets de son affection, la rupture subite et ruineuse de toutes ses relations intéressées, l’anxiété cruelle inhérente à une situation dont la durée est indéfinie.

C’est au pouvoir judiciaire qu’il appartient exclusivement de prononcer des peines ; le pouvoir administratif ne peut pas plus, de sa nature, prononcer la déportation que la marque, le carcan, la détention, les fers. Un État où les citoyens seraient exposés, tout à la fois, à des peines prononcées par jugement des tribunaux, et à des peines identiques prononcées par décision administrative, n’aurait en réalité ni pouvoir judiciaire ni pouvoir administratif ; cette double juridiction pénale, établie sur deux lignes parallèles, ne constituerait que l’anarchie et ne produirait que la tyrannie.

Toute application de peine attribuée au pouvoir judiciaire, est par cela même déniée au pouvoir administratif indépendamment du principe qui refuse à celui-ci toute capacité pour juger.

Or, en compulsant la volumineuse législation coloniale, composée de tant d’édits, d’ordonnances, d’arrêts du conseil, d’arrêtés et réglemens coloniaux, on trouve :

1°. L’arrêt du conseil d’État du 21 mai 1762, contenant réglement entre les officiers de justice et les gouverneurs, portant défense à ceux-ci d’entreprendre sur les fonctions des juges.

C’est bien assurément entreprendre sur les fonctions des juges, que d’appliquer une peine de leur compétence. L’absence de toute instruction légale de