Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

données ailleurs ; il suffit d’indiquer les édits de création des conseils supérieurs. Toutes les lois coloniales défendent aux gouverneurs de s’immiscer dans l’administration de la justice.

Qu’est-ce que le conseil de gouvernement de la Martinique ? Est-ce une cour de justice régulière, une cour prévôtale, une cour spéciale, un conseil de guerre ou une commission militaire ? Ce n’est rien de tout cela ; car jamais roi de France n’a accordé à un seul homme le droit de prononcer des condamnations sur la vie et l’honneur.

Je dis à un seul homme, car le réglement qu’on invoque donnerait au gouverneur le droit de prononcer seul la déportation ou le bannissement, contre l’avis des autres membres du conseil de gouvernement.

Même dans les commissions militaires, le sujet de l’accusation est connu, l’accusé est appelé, les témoins lui sont confrontés, il a un défenseur, il est entendu dans tous ses moyens, on va aux opinions, la conscience des juges est chargée de la responsabilité du jugement quel qu’il soit.

Ici qu’y a-t-il de pareil ? Il n’est pas même certain que le commandant militaire, le procureur-général et l’ordonnateur aient été appelés, qu’ils aient délibéré et qu’ils n’aient pas émis une opinion contraire à la déportation.

Quand même ils auraient été unanimes, comme ils n’ont pas reçu du roi le caractère de juges, leur décision n’est pas un jugement, mais une mesure de haute police ? elle n’emporte pas la mort civile, ni aucune flétrissure ; c’est si peu un jugement criminel, que si quelqu’un s’avisait de donner aux individus frappés par cette mesure, des qualifications flétrissantes, celui-là serait justement puni par les tribunaux comme diffamateurs.

Supposons que la liberté individuelle soit habituellement suspendue à la Martinique, quoiqu’il soit im-