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Aussi vous l’avez remarqué ; les déclarations du pourvoi ne les spécifient pas. Mais l’absence de ces désignations ne peut pas être un motif de repousser le pourvoi ; car s’il arrivait qu’un arrêt de la Cour d’assises n’eut pas été prononcé à l’audience, ni lu au condamné, ce serait un vice de plus dans la procédure ; ce ne serait pas un moyen contre le condamné.

Vous ne vous arrêterez pas non plus à cette circonstance que le pourvoi a été déclaré en France aux greffes des tribunaux de la métropole, à Brest et à Rochefort ; car s’il est vrai, comme nous sommes chargés de l’articuler formellement devant vous, que les demandeurs aient été arrachés violemment de leurs domiciles, embarqués sur des navires, et amenés en France sans pouvoir communiquer avec la terre ; c’est la force, et la force majeure seule, qui les a empêchés de faire leur déclaration au greffe des tribunaux de la colonie.

Vous avez jugé, dans l’affaire du sieur Lecalvé, par arrêt du 9 janvier 1824, que c’était au greffier à se transporter dans la prison et à dresser l’acte de pourvoi.

Vous ne vous arrêterez pas non plus à cette circonstance que le pourvoi aurait été déclaré, après le délai de trois jours, établi par le Code d’instruction criminelle ; car, en premier lieu, ce Code n’est pas publié à la Martinique ; et, en second lieu, le délai des trois jours ne court que du jour de la prononciation.

Or, comme, dans l’espèce, il n’y a pas eu de prononciation, aucun délai fatal n’a pu courir.

Enfin, vous ne vous arrêterez pas à cette dernière circonstance que la condamnation est émanée des tribunaux des colonies françaises ; car, aucune loi n’interdit les pourvois de la part des Français de ces colonies ; le droit de se pourvoir est au contraire garanti par la loi, et confirmé par votre jurisprudence, à l’égard des colonies qui, comme la Martinique, sont encore régies par l’ordonnance de 1670 et par le réglement de 1738 — Vous l’avez ainsi jugé, le 15 juillet 1824, au rapport de M. le conseiller Avoyne de Chantereyne, à l’égard de jugemens criminels portant peine afflictive ou infamante.

Tout se réduit donc à savoir s’il y a eu des condamnations prononcées à la Martinique contre les demandeurs. Nous serions trop heureux qu’il n’en existât aucune, ou que les décisions qui nous frappent ne fussent que des mesures temporaires ou provisoires de haute police ; car alors nous ne serions pas des condamnés, comme on l’a dit.

Le pouvoir judiciaire n’appartient pas à l’autorité administrative ; la justice est rendue, au nom du roi, par des magistrats inamovibles, et non par des administrateurs révocables. Cette justice est rendue publiquement, et non dans