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nous nous plaisons à l’avouer, que fit pour les colonies l’autorité suprême, qui n’avait pas encore été influencée par le féodalisme des colons, portaient en elles-mêmes l’empreinte d’une prévoyante sollicitude ; et, malgré qu’elles eussent à statuer sur des objets étrangers aux coutumes de l’Europe, il y régnait un fond d’équité inséparable des lois qui émanent directement du trône.

Si l’esprit de ces sages institutions eût été respecté, et qu’on eût édifié sur leur base les accessoires administratifs, en se conformant toutefois aux besoins du siècle, on aurait évité les fausses interprétations, qui en rendant louches et ambiguës les lois dont le sens était le plus clair, n’ont fait que favoriser les empiétemens astucieux de l’iniquité. Mais au lieu d’élaguer de ces ordonnances ce qui avait pu devenir défectueux par la succession des temps, on les a rendues méconnaissables par des additions pernicieuses et souvent contradictoires ; de sorte que l’on n’a aujourd’hui qu’un amalgame incohérent de jurisprudence, qui semble fait pour prêter un nouvel appui à la chicane, et ouvrir la voie à toutes sortes d’exactions.

D’après ces premières ordonnances[1], les colons et les hommes de couleur libres affranchissaient de droit une esclave en l’épousant, et lui transmettaient, ainsi qu’aux enfans, leurs droits et leur fortune[2]. Ils avaient en outre, les uns et les autres, la faculté de tester en faveur des enfans qu’ils avaient eus hors de mariage, et même en faveur de la mère, fût-elle esclave. Rien de tout cela n’existe de nos jours. Par les mêmes ordonnances, les colons et les hommes libres pouvaient réciproquement hériter les uns des autres ; mais, par un arrêté de 1726, arrêté qui a été sanctionné de nouveau par le conseil souverain, lorsque le Code fut proclamé dans nos colonies, les gens de couleur libres furent privés du droit d’hériter des blancs, tout en conservant celui de tester en leur faveur[3].

Mais comme les lois, ainsi que le démontre l’expérience, n’obligent les hommes qu’autant qu’elles sont basées sur la justice, et conformes aux vœux de la nature, l’homme blanc, qui n’a pas

    turels Français, capables de toutes charges, honneurs, successions et donations, ainsi que les originaires et régnicoles, sans être tenus de prendre lettres de déclaration ou naturalisés.

  1. Voir l’ordonnance de 1685, art. IV, IX, LVI, LVU, LIX, etc.
  2. Par une ordonnance de 1777, les nobles qui avaient épousé des femmes de couleur continuaient de transmettre à leurs enfans le titre de blancs, il est vrai ; mais ils furent privés de la faculté de leur transmettre leurs titres de noblesse ; ce qui avait eu lieu auparavant sans difficulté, surtout jusqu’en 1704.
  3. Voir une délibération du conseil du 7 novembre 1805, art. III, ainsi que la déclaration du roi de 1726.