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la S. B. M. a reçu notre nomination nous n’avons plus à attendre que l’ordre de départ.

Jeudi 28 mars

Nous suivons la bataille avec angoisse et nous ne vivons plus que pour l’heure du communiqué que nous avons par T. S. F.. Les patrons ne se couchent plus avant celui de la nuit ; on revit les heures qui ont précédé la Marne.

Ce soir Montdidier[1] est pris, Amiens[2] évacué et bombardé !

Les troupes boches qui se préparaient à l’attaque de Reims sont parties ; les nôtres sont envoyées en renfort. Il n’y aura peut-être rien par ici ; tout se porte là-bas.

Le moral est admirable ; nos soldats s’attendent à une contre-attaque qui recommencera la Marne et sera le début de la guerre de mouvements. Avec quelle impatience nous l’attendons tous.

Vendredi 29 mars

Meilleures nouvelles ; la ligne tient du côté de Roye, et vers Montdidier, nous avons fait reculer les boches de 2 kilomètres. Tout le monde pousse un soupir

  1. [1] ; Lors de la Première Guerre mondiale, Montdidier, comme toutes les localités de l’Est du département, déplore une destruction presque totale, n’épargnant nullement ses édifices les plus anciens et les plus remarquables. Il a été décoré de la Croix de guerre 1914-1918 dès le 24 août 1919, et fait partie des 22  communes décorées de la Légion d’honneur au titre de la Première Guerre mondiale, avec la citation suivante à l’ordre de l’armée : « Vaillante cité dont la guerre a fait une martyre. Après avoir subi plus de deux années le feu des canons ennemis, a connu tour à tour les joies de la délivrance et l’horreur d’une occupation brutale. Position importante et âprement disputée a subi une destruction totale payant de sa ruine la victoire de la Patrie ». NdÉ.
  2. [2] ; Amiens tient une place stratégique tout au long de la Première Guerre mondiale. Entre 1914 et 1918, la ville accueille des combattants du monde entier : Français, Britanniques, Australiens, Néo-Zélandais, Canadiens, Sud-Africains, Indiens, Chinois… La vie y est intense et les activités nombreuses : industrielles dans les usines de guerre, sanitaires avec les hôpitaux, médiatique avec la réalisation de journaux en langue anglaise, sportive avec l’essor du football au contact des troupes anglo-saxonnes, divertissantes pour les soldats en permission. La ville traverse des moments difficiles avec l’accueil des réfugiés belges et français, les évacuations de populations, les restrictions et les privations (gaz, charbon, pain, etc.). En 1916, à l’est d’Amiens, se déroule la Bataille de la Somme, l’affrontement le plus sanglant de la Grande Guerre avec 1,2  million de victimes. Fin mars 1918, une vague de bombardements intense détruit la gare du Nord, les Nouvelles Galeries et la Halle aux blés. Elle entraîne l’évacuation de la population ; En mars 1918, les Allemands lancent l’opération Michael, qui est stoppée par la brigade de cavalerie canadienne (Lord Strathcona’s Horse — Royal Canadians) le 4 avril à Villers-Bretonneux et Moreuil. En août, le corps expéditionnaire britannique du maréchal Douglas Haig dirige la bataille d’Amiens. L’attaque est destinée à libérer une large partie de la ligne de chemin de fer entre Paris et Amiens. À la fin du conflit, le bilan des victimes civiles est de 152 tués et 21 blessés, celui des dégâts matériels est de 731  immeubles complètement détruits et près de 3 000 endommagés, auxquels s’ajoutent les pillages. En 1919, Amiens est décorée de la Croix de guerre 1914–1918. ; NdÉ.