Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/962

Cette page n’a pas encore été corrigée

1911

LOI DIVINE

1912

ce développement ? — Par l’action du cerveau. — Pourquoi les sentiments altruistes sont-ils regardés comme plus moraux et plus élevés que l’égoisme ? — La biologie nous fournit la réponse ; car elle considère comme inférieur ce qui est plus simple ou primordial. C’est pourquoi les sentiments altruistes prennent, de plus en plus, un rang élevé dans l’estime des hommes et l’on tend à une universelle fraternité.

Pour les sentiments désintéressés du vrai et du juste, ils ne sont que des applications des lois de la logique à nos actions. La base de nos raisonnements, c’est le principe d’identité, qui s’impose à nous comme nécessaire ; la base de la justice, c’est le même principe d’égalité, ou de dédommagement à établir entre les personnes. « Au fond, pour citer Litlré, la justice a le même principe que la science ; seulement celle-ci est restée dans le domaine objectif, tandis que l’autre est entrée dans le domaine des actes moraux. Quand nous obéissons à la justice, nous obéissons à <ies convictions très semblables à celles que nous impose la vue d’une vérité. Des deux côtés, l’assentiment est commandé : ici il s’appelle démonstration, là il s’appelle devoir. » — « Le devoir, remarque A. Fouillée (ibid.), est donc pour Littré une inclination intellectuelle ; par elle, aux inclinations sensibles de l’égoïsme et de l’altruisme, s’ajoute ce caractère impératif, qui est le propre de la vérité logique. Ainsi s’achève la morale positiviste : partie de la physiologie, elle aboutit à la logique ; la nécessité physique de la nutrition et de la génération est au commencement, la nécessité ralionnellede la démonstration est à la lin. » — Au dire de ses partisans, cette théorie serait démontrée par l’histoire. L’évolution de l’humanité aurait commencé par une période industrielle à sentiments égoïstes, à la suite de laquelle aurait paru une période morale à sentiments altruistes, et nous verrions naître, au temps présent, une période intellectuelle où la science renouvellerait l’industrie et éclairerait la morale. Le système serait conOrmé également par la physiologie cérébrale ; cette science établirait que le siège de tous ces sentiments est au même lieu du cerveau ; d’où il résulterait que ces sentiments se perfectionnent tous en même temps. — Comte, Cours de philosophie pnsilive, Paris, 1830-1842 (6 vol. ; plusieurs fois réédités) ; LiTTRé, La science au point de vue philosophique : Taink, f.es philosophes français au xix’siècle.

Réfutation. Celte théorie n’est pas prouvée ; elle n’explique pas les caractères de la loi morale, et enfin elle supprime la notion même du devoir.

1° Les preuves de la théorie positiviste se réduisent en réalité à la négation tout à fait gratuite des principes spiritualistes. Elles pourraient se résumer ainsi : Il n’y a pas d’àme, ni d’entendement en nous ; donc c’est dans la physiologie et l’action du cerveau qu’il faut chercher les sources de la morale. 2’En outre, cette théorie n’explique pas les caractères de la morale. Elle n’explique pas, en particulier, l’obligation, le devoir : ramener les règles de la justice aux règles de la logique, c’est supposer que le devoir ne nous oblige pas plus que les lois spéculatives de l’esprit ; or celles-ci sont des règles que l’intelligence suit fatalement dans ses opérations ; non des lois que notre volonté libre peut suivre ou nepas suivre, et dont l’observation ou la violation nous rend bons et dignes d’éloge, ou mauvais et dignes de blâme. 3° Enfin celle théorie détruit la morale, puisqu’elle nie le libre arbitre el supprime réellement toute loi morale, ])oury substituer des inclinations physiologi ques ou logiques. — Voir.iim’ : deBuoolir, /.c positivisme et la science expérimentale ; Ca.ro, l.ittré et le positivisme : Ghubbb, S. J., Auguste Comte, sa vie, sa

doctrine ; I.e positivisme, depuis Comte jusqu’à nos jours.

5" Morale indépendante.

Exposé. On a appelé plus particulièrement de ce nom un système très répanduet quia compté Vacherot (1809-1897), avec beaucoup d’autres écrivains, parmi ses partisans. Nous l’avons rangé parmi les théories purement expérimentales, parce qu’il ne veut s’appu}’er que sur l’observation des faits de conscience.

Les partisans de ce système prétendent dégager la morale et la rendre indépendante des conceptions matérialistes, comme des conceptions religieuses et métaphj’siques. Seul dans la nature, dit Mme Coignet (/.a Morale indépendante), l’homme est libre, et seul il a conscience de sa liberté. Or la liberté consciente d’elle-même, telle est la source initiale d’une série de phénomènes qui prendront le nom de moraux et qui constitueront, pour l’homme, une sphère d’activité inconnue au reste de la nature.

La personne humaine, la personne libre, responsable et obligée au respect, la personne respectable, tel est le fondement de la morale, pris tout entier dans la réalité. En se saisissant lui-même en tant que cause, en se connaissant comme tel, l’homme revêt dans la nature une dignité et une grandeur unique, il ne peut plus servir de moyen. — La morale constitue donc l’inviolabilité de la personne humaine ; elle constitue le dro>it individuel… Or le droit implique le devoir, comme une autreface delà liberté ; le droit, en effet, étant inviolable de sa nature, implique l’obligation du respect de cette inviolabilité. Il n’y a donc pas plus de droit sans devoir que de devoir sans droit, et si nous posons l’antériorité de l’un par rapport à l’autre, c’est au point de vue de la raison pure, non pas au point de vue « lu fait.

La liberté n’étant pas la réalisationde l’ordre, mais l’ordre étant le respect de la liberté, il se trouveque la liberté est cause et lin d’elle-même et agent de sa propre lin… Les facultés de l’intelligence el les instincts de la nature ne sont ni moraux, ni immoraux en eux-mêmes, mais ilsdeviennent tels parl’intervcntion d’un élément nouveau : l’intervention de la conscience, qui est la perception expérimentale d’un bul su|)érieur à celui de l’instinct, et par l’intervention de la volonté, qui nous dirige vers ce but ou nous en éloigne. La question se pose donc expérimentalement dans la conscience, où la volonté la résout, et ces deux phases de la vie intérieure déterminent le degré de moralité de l’individu.

Le mobile moral est puisé dans la liberté même qui, en constituant la dignité de l’individu, implique le respect de celle dignité ; il a pour linla jusliie. Le mobile moral se présente à nous sous la forme d’une obligation absolue, dégagée de toute considération personnelle et conséquemment de toute idée de jouissance, une obligation indépendante des conditions extérieures de lieu et de temps, aussi bien que de toute convenance particulière.

Les lins morales sont désintéressées, parce que, même en glorifiant la personne humaine, c’est la vérité pure el la justice parfaite qu’elles ont pour objet

La justice, pour les partisans de ce système, n’a rien d’ontologique ; elle ne se rattache ni à un principe premier, ni à un êlre créateur ; elle a son fondement dans l’honime. La liberté constitue l’individiialilé humaine, le droit etrobligalion, l’égalité des droits et la mutualité des obligations. Or la justice, c’est le droit reconnu, c’est le devoir accompli dans l’homme et dans le milieu de l’activité humaine, et nous l’élevons à l’idéal en y joignant la conception d’absolu.

Chaciue victoire de la liberté est une réalisation de