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1885

LIGUE CATHOLIQUE (LA SAINTE)

1886

candidature de son plus pioche héritier présomptif, Henri de lîourboii, roi de Navarre, chef de la ligue prolestante. Il ne le lit que faiblement et préféra tenter la conversion du personnage en lui envoyant, pour l’exhorter au retour, dès qu’on n’eut plus d’espoir dans la guérison de son frère, une ambassade solennelle, à la tête de laquelle il plaça le duc d’Epernon, le plus habile et le plus inllnent de ses favoris. La démarche ne réussit pas, mais Henri 111 allicha toujours pour son covisin plus d’égards et de ménagements que n’en méritait une candidature assez éventuelle. Les mêmes ménagements se retrouvaient chez les grands olliciers de la couronne et des parlements, défenseurs et gardiens des traditions monarchiques. Pour eux connue pour le prince, la succession au trône restait le point capital, qui primait tous les autres intérêts, même religieux. L’Eglise et le pouvoir pontilical n’avaient pas à intervenir dans une question purement poliliquc, qui ne regardait que la nation, représentée par le pouvoir royal et ses auxiliaires. La vieille querelle gallicane sur la souveraineté intangible, contre laquelle un Boniface VIII s’était brisé, allait se renouveler à propos de Henri de Navarre et grouper autour des tenants des coutumes monarchiques, avec les huguenots, les politiques nouvellement éclos et les vieux gallicans.

Entre ces classes dirigeantes et la masse de la population, il y avait une divergence capitale d’idées. Les classes inférieures, petite bourgeoisie, gens de métiers et manants, le bas clergé, la noblesse provinciale restaient attachés à la foi des ancêtres, aux traditions religieuses, aux dévolions populaires, à tout ce que les novateurs réprouvaient et détruisaient. A leurs yeux, le roi devait être avant tout catholique, eU’avèneræntprobable d’unliérétiqueau trùne était le plus grand malheur qui put menacer la France. Rien de plus facile aux prédicateurs, moines et autres, au clergé deparoisseetauxordresreligieux, qui avaient tant de moyens d’action, exerçaient une influence toujours considérable, que de persuader au peuple que l’avènement de Henri de Navarre serait le triomphe déUnitif du programme révolutionnaire dont les protestants poursuivaient sans relâche la réalisation.

Ces dispositions dominaient surtout dans les milieux parisiens, dont nous avons signalé les sentiments foncièrement religieux. Ajoutons quele contact avec lacour y apportait le tableau quotidien d’une vie dissolue, de dépenses inutiles et exagérées, que les dévotions étranges du roi et l’attitude de ses favoris scandalisaient les peuples, et achevaient de ruiner le prestige de la majesté royale. Aussi la réaction contre le règne des Valois, contre le régime d’irréligion et d’impiété que leur politique avait établi et qui menaçait d’atteindre son apogée avec Henri de Navarre parvenu au trône, cette réaction s’organisa en même temps sur deux points, dans la population catholique de Paris et autour du prince lorrain, le duc de Guise.

La pensée de créer dans le peuple une association pour la défense de la foi vint, dès le mois de septembre 158/(, à un bourgeois de Paris, François Hotlom. -vn, dit la Rocheblond, qui s’en ouvrit au curé de Saint-Séverin, Prévost, à celui de Saint-Benoit, Boucher, et à Launoi, chanoine de Soissons. Ils travaillèrent à grouper des adhérents, et gagnèrent en quelques semaines deux autres curés. Pelletier, de Saint-Jacques-la-Boucherie, et Guineestre, de Saint-Germain-l’Auxerrois. deux présidents. Le Maître, du Parlement, et Neuilly, aux Aides, des avocats, des procureurs, hommes de lois, odiciers subalternes des cours souveraines et corps constitués, bourgeois,

marchands, membres influents des corporations, sans compter les prêtres et religieux. Le Chàtelet, ou tribunal de la prévôté de Paris, fut conquis en majorité, les métiers bientôt s’enrôlèrent en masse, et fournirent les cadres d’une vraie milice, qu’on ne tarda pas à équiper. On créa de suite un comité de surveillance et d’exécution de six membres, qui se chargea de la propagande par quartier, recrutait les adhérents, se tenait aux écoutes pour recueillir les nouvelles. Un conseil dirigeant de dix personnes fut placé au-dessus de ce comité, dés qu’il fallut substituer à l’enrôlement la gestion régulière des allaires pour lesquelles la Ligue se constituait. Le détail fui calqué sur l’organisation municipale parisienne, dont on emprunta les cadres de ((uartiers et cinijuantenies, etc. Ce fut la Sainte l’iiiuii ou Ligue calholique.

Les associés juraient de consacrer leur vie et leur fortune à la défense de la religion. La communauté " de but et desentiuienl les rapprocha d’une coalition analogue qui se formait alors entre les princes lorrains et leurs amis, sous la présidence du cardinal dr Bourbon. Après des pourparlers et plusieurs conférences, ceux-ci avaient décidé de renouveler la ligue seigneuriale de Péronne, pour prévenir lesdoramages qu’un changement de règne pourrait apporter à la monarchie et à l’Eglise. On accepta le concours des Parisiens ; le duc de Guise, chef réel de la dernière association, se iitreprésenler auprès d’eux d’une manière permanente, et tous jurèrent de poursuivre l’extermination de l’hérésie, la réforme des vices, impiétés et injustices qui gâtaient les divers ordres de la nation. Le cardinal de Bourbon fut reconnu seul héritier présomptif de la couronne de France, à la place de son neveu le roi de Navarre, que son opiniâtreté dans l’erreur privait de ses droits (décembre). Henri III n’ayant pas tenu compte de leurs requêtes, les Seigneurs publièrent le manifeste de Péronne, 31 mars i 585, qui proclamait indissoluble l’unité de religion entre le trône, la monarchie et le peuple de France. Ils avaient obtenu, par le traité de Joinville, l’appui de Philippe H, roi d’Espagne, champion de la foi catholique en Europe.

Henri III, après avoir résisté longtemps, accepta en bloc les exigences de la Ligue, bien résolu à retirer ses concessions aussitôt qu’il le pourrait, et il ne lit jamais une difTérence nette entre celles qui étaient justes et concernaient la religion, et celles qui attentaient à l’honneur de la monarchie. Il en résulta une situation fausse, qui ne trompa pas seulement ceux que le souverain voulait jouer, mais tous les catholiques et leurs alliés. Le traité de Nemours quillet 1585) et VEdil d’Union, qui en était la suite, révoquaient toutes les ordonnances en faveur des protestants, proclamaient la déchéance du roi de Navarre, le l)annissement des ministres huguenots, l’obligation pour leurs fidèles de se convertir ou de s’expatrier dans les six mois. Les chefs ligueurs obtenaient des places, dignités, pensions et gouvernements. Ce fut la seule partie de l’édit qu’on réalisa immédiatement ; pour le reste, il fallait faire la guerre aux protestants retranchés en maîtres dans l’ouest et le midi de la France, il fallait de l’argent et des soldats, et on eut de la peine à trouver l’un et l’autre, dans un royaume épuisé par les gaspillages des Valois.

La première conséquence de la situation fausse que créait l’accord, fut de tromper le pape, dont le concours était indispensable. Ni Grégoire XHI, ni son successeur Sixte-Quint n’avaient favorisé les débuts de la Ligue, ils la considéraient comme une révolte contre l’autorité légitime : ils s’étaient bornés à lui accorder des bénédictions et de bonnes [>arolcs pour le zèle qu’elle déployait en faveur de la religion. H