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LIBERTÉ, LIBRE ARBITRE

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Pèi’es laliiis postérieurs relèvenl de lui. Nous analyserons son ouvrage, écrit peu après son entrée dans TEjîlise (entre 388 et Sijô).

Sous forme lie dialogue avec son disciple Evode, Aujrustin aliorde l’examen de cette question : qu’est-ce que le mal dupéclié ? et comment Dieu, auteur de la nature, n’en doit-il pas être rendu responsable ?

— Le péclié est un désordre de l’àme, qui cède à la passion. D’ailleurs la passion n’est pas irrésistible ; le « ouvernement de l’homme appartient à la raison ; la raison ou la passion prévaut, selon que le libre arl)itre incline vers l’une ou vers l’autre. Tomber sous le jougde la passion est déjà un châtiment pour l’àme qui s’abandonne. Au contraire, celle qui s’attacUe au bien montré par la raison, entre dans la béatitude. (L. 1.)

Mais pourquoi laisser à l’homme cette redoutal>le option ? Si l’homme vient de Dieu, si le libre arbitre lui-même est un don de Dieu, si le libre arbitre est la conditioH du péché, comment la responsabilité du péché ne remonte- t-elle pas jusi|u’à Dieu même ? — C’est que le libre arbitre est d’aljord la condition du mérite ; Dieu en a fait don à l’homme en vue du mérite ; que l’iiomme en use pour une autre (in, il encourt le juste châtiment de Dieu. Mais d’où vient que ce don de Dieu peut être détourné de sa lin légitime ? Voilà justement le scandale. Pour lever ce scandale, il faut par-dessus tout adorer liumblement les mystères de la Providence. Trois considérations pe<ivent aider à lui rendre justice ; on ne saurait trop s’en pénétrer, i" Dieu existe ; il est le fondement immuable de toute vérité, de toute sagesse, le Bien suprême. 2" Il est la source universelle de l’être, l’auteur de tout bien, l’universelle Providence. 3" Parmi ces biens dont Dieu est la source, il faut nécessairement compter le libre arbitre. Car le libre arbitre est un bien de l’âme ; encore que l’iiomnie en puisse abuser, comme il abuse des biens du corps, ce bien doit être apprécié comme la condition essentielle du bien-vivre. Il y a en elfet tel bien dont nul ne peut abuser, comme la justice, la sagesse et en général les vertus ; mais il y a aussi tel bien de nature, dont on peut bien ou mal user : le libre arbitre est de ce nombre. L’usage, bon ou mauvais, ne doit pas être imputé à l’auteur de la nature, mais à la volonté créée, qui en décide. (L. II.)

Keste à expliquer l’origine de cette détermination coupable, par laquelle la volonté se détourne du bien immuable et se tourne, de préférence, vers des biens caducs. Comment l’accorder avec la prescience divine ? — Augustin répond que la prescience divine ne met pas plus obstacle à 1 exercice du libre arbitre que toute autre prescience, puisqu’elle n’exerce aucune pression sur la puissance appelée à faire son choix. D’autre part, le souverain domaine du Créateur se manifeste soit par le châtiment dvipéclié, soit par la conservation de la nature raisonnable qui, même viciée par le péché, l’emporte, par ses dons essentiels, sur tous les corps, et sur la lumière même. Des créatures impeccables, il en existe, déjà en possession de l’éternelle béatitude. Mais il convenait à la sagesse divine de livrer ici-bas les âmes à la conduite de leur libre arbitre, dussent plusieurs d’entre elles tomber dans le péché ou même y persévérer jus(]u’à la fin. Quand des hommes prétendent se désintéresser de la vie et accusent Dieu de leur malheur, ne les croyez pas : même le suicide est motivé par le désir du repos, que le désespéré s’imagine trouver dans la mort, c’est-à-dire d’un bien, car nul n’aspire au néant, comme tel. Mais comment Dieu n’empêche-t-il par cette àme d’aboutir à un malheur éternel ? Ses péchés et son malheur i étaient-ils donc nécessaires à la perfection de l’uni- I

vers ? — Réponse : ce qui est nécessaire à la perfection de cet univers, ce ne sont [jas les péchés, mais bien les âmes, et l’existence des âmes a pour corollaire inévitable le péché. D’ailleurs, le pécheur tombe sous la dépendance de créatures inférieures, chargées de rétablir l’harmonie dans l’œuvre divine. La justice de Dieu éclate dans le châtiment du péché. Les anges avaient péché de leur propre mouvement ; ils aggravèrent encore leur faute en provoquant la chute de l’homme : Dieu les traite sans miséricorde. L’homme a péché à l’instigation des anges : Dieu lui permet de se réhabiliter en faisant sienne la rédemption du Verbe incarne. Œuvre de scrupuleuse justice, cette rédemption toui’ne contre le démon ses propres armes, et l’abat sous les pieds de l’homme qu’il a vaincu. L’àme régénérée commande au corps, non toutefois avec ce plein empire qu’elle exerçait avant la chute. Soit par leur lidélilé, soit par leur châtiment, toutes les créatures raiso,.nables justilient la Providence, qui ne laisse ni la vertu sans récompense ni le péché sans châtiment. Sortie des mains de Dieu, la nature est bonne ; bon aussi l’usage légitime de ses puissances ; l’abus seul est mauvais, précisément parce qu’il déroge au plan divin. — Le disciple d’Augustin adhère à ces conclusions, mais insiste pour connaître la cause de la volonté qui rend la nature pécheresse. Augustin répond qu’il n’en faut pas chercher d’autre que la volonté elle-même. Deux choses demeurent certaines : i" sans libre arbitre, il n’y a pas de péché ; 2° avec le libre arbitre, on peut éviter le péché. Cependant l’homme déchu porte en lui-même des tares héréditaires : l’ignorance et les résistances de la nature, qui sont un juste châtiment du péché. (Quelque hypotlièse que l’on adopte sur l’origine des âmes, il suffit de s’attacher à l’atitorité de Dieu, inspirateur des Ecritures, pour trouver la Providence admirable en toutes ses voies. Les forces qui sollicitent le libre arbitrepcuventse ramener à deux. D’une liart, suggestion extérieure venant du tentateur : c’est aune telle suggestion qu’Adam succomba. D’autre part, attrait des objets inférieurs, ou charme intérieur de la nature qui se complaît en elle-même, au lieu de s’attacher au souverain Bien : ainsi tombèrent les anges. Heureuse l’àme qui, insensible à ces divers attraits, s’adonne tout entière à la contemplation de la justice, de la lumière éternelle, de la vérité et de la sagesse immualiles ! Elle goûte les prémices de l’éternité bienheureuse. (L. III.)

Dans cet écrit dirigé contre la secte manichéenne qui s’en prenait à l’reuvre du Créateur, Augustin ne touche qu’en passant aux relations du libre arbitre avec la grâce. Vingt ans plus tard, l’entrée en scène de Pelage, qui exaltait la puissance du libre arbitre jusqu’à méconnaître la nécessité de la grâce, devait l’amener à combler cette lacune. Il explique ce changement d’attitude dans les Jletiaciationes, I, IX, P. /,., XXXII. 596-699 ; voir encore Contia diias epistolas Pela^ianonim, ad Boriifaciiim liomanae Ecclesiæ episcopum, l, M, 2- ?>, P. /.., XLIV, 672673. Le De natura et gratia, P. L., XLIV, 247-290, oii Il prend position contre l’hérésie naissante, est de l’année ! ^b. Ses revendications portent sur les points suivants :

1° Il n’y a de salut qu’en Jésus-Christ et par sa grâce, selon Rom., iii, 23-2^ ; iv, 5 ; II Cor., iv, 13, 5, 17 ; Epli., ii, 3-5. — oT De nat. et grat., i, i ; iii, 3 ;

IV, 4 ; xLi, 48 ; xi.iv, 5 1-52 ; lxx, 84.

2° On distingue justement, du pouvoir d’être sans péché, le fait d’être sans péché, selon lo., xi. 43-41 j

V, 21. Mais le système pélagien, qui attribue à la nature le pouvoir, au libre arbitre le fait d’être sans péché, ruine la nécessité de la grâce. — De nat. et