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LAICISME

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laïque. Avec ces derniers, la République aurait pu, sans grande peine, s’accommoder des croyances el de la constitution de l’Eglise. C’était impossible avec ceux <|ui lèvaientd’incarnei’dans cette l’orme de gouvernement un système philosophique et religieux, diamétralement opposé au catholicisme.

De ce système, qui est le laicisme, nous allons examiner maintenant les doctrines et les institutions.

ne PARTIE

LE LAICISME PROPREMENT DIT

Forme positive, doctrinale, philosophique et religieuse

1. Li’Idéal laïque : la liberté absolue de l’individu. — Le premier article du credo hiique, le l’Ius important, celui qui commande tout le système, n’est pas, à proprement parler, un article doctrinal, un lait constaté scientifiquement, une vérité évidente ou logiquement déduite ; c’est plutôt un axiome, un postulat, ou mieux encore une sorte de prétendu dictamen de la conscience, de préférence du cœur, de commandement aveugle.

Il L’iiomme, affirme-t-on, est libre. » Et ce n’est pas là l’énoncé d’un fait psychologique. Combien, parmi ceux qui affirment cette liberté, se réclament de philosophies nettement déterministes I C’est l’af-Qrmation d’un droit.

a) La Libre Pensée. — Et tout d’abord dans le domaine de la pensée. Enchaîner la raison, comprimer l’intelligence, c’est commettre un sacrilège…, la seule religion capable de régénérer l’humanité, si longtemps asservie par les religions dogmatiques, c’eslla libertéde conscience servie par l’intelligence, c’est le culte de la raison humaine. > Et il s’agit du culte de la raison individuelle : chacun ne doit relever que de ses propres lumières — ce quiest juste en un sens — mais oncntendqu’iln’estjamaislicited’accepter une doctrine sur la foi d’un autre, de l’accepter d’une manière définitive, irréformable, à n’importe quel point de vue, et en n importe lequel de ses articles. L’idéal du laicisme est la pensée qui n’est pas retenue aujourd’hui par ses affirmations d’hier, qui peut se dégager perpétuellement des idées d’autrui et des siennes propres, qui est à elle-même sa norme, une norme mouvante, susceptible de varier indéfiniment au gré du sens individuel.

L’esprit humain n’a pas à s’incliner devant une autorité, quelle qu’elle soit, « qu’elle commande de s’incliner devant les dogmes ou les principes a priori d’une religion ou d’une pbilosoiihie » (F. Boisson, Foi laïque, p. nj8).

En face de l’esprit vraiment libre, il ne doit plus y avoir de vérité intangible et sacrée. « Ce qu’il faut sauvegarder avant tout, a dit un des corjphées du laicisme, aux applaudissements de ses amis, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les soufl’ranees et tous les combats, c’est cette idée qu’il n’j' a pas de vérité sacrée, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme, c’est que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit…, c’est que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; c’est que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil, et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; c’est que, si l’idéal même de Dieu se faisait visible, si Dieu lui-même se dressait devant les multitudes sous une forme palpable, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de

le considérer comme l’égal avec qui l’on discute, non comme le maître que l’on subit. » (Jauhès, Discours à la Chambre des députés, 1 1 février 181j5.)

b) La morale indéj.endante. — Pas plus que la pensée, la conscience humaine n’a de souverain à reconnaître. C’est d’elle-même qu’elle doit tirer les lois de son activité ; à elle, de se créer une morale. « Elle peut vivre seule…, elle peut jeter enfin ses béquilles théologiques, et marcher librement à la conquête du monde. » (J. Ferhy, Discours à la loge, g juillet 1876.) A elle de se créer des sanctions, d’absoudre ses fautes et de trouver ici-bas sa récompense, a Est-ce que la morale, pour être efficace, doit être pourvue des sanctions divines ?… Est-ce qu’une autre morale n’a pas le droit de dire qu’elle trouve sa sanction sur la terre, là même où elle a trouvé son idéal ?… Est-ce qu’au nom d’une autre morale, nous n’avons pas le clroit de dire que l’absolution d’une faute commise doit venir de l’homme lui-même, de son repentir, de ses remords, de la conquête d’une vertu nouvelle par laquelle il efface le passé ? » (VniAM, discours du 21 mars 1911. Questions actuelles, t. CXVI. p. 4ôo.)

L’homme, en définitive, n’a de devoir qu’envers lui-même. Xorme du vrai, il est aussi la norme du bien. Il n’a donc pas de devoir envers Dieu.

c) L’athéisme. — Si Dieu est un nom qu’il faut prononcer avec respect, un nom autour duquel « aucun sarcasme, aucune injure basse ne doit se traîner, c’est que tout idéal, dit M. Viviani, qu’il prenne sa racine dans la raison, dans le cœur, ou même dans la sensibilité, c’est que toute conviction, y compris la conviction religieuse, doit être respectée ». (Q.A.. t. CXVI, p. 419-) Mais ce n’est pas à Dieu, on le voit, c’est à l’idée que l’homme s’en fait, que doivent aller l’hommage et le respect ; c’est au sanctuaire delà conscience individuelle.

Là, du moins. Dieu peut-il conserver une place ? Oui, mais à la condition de s’y enfermer, de n’y être qu’une simple représentation idéale, que l’esprit humain, en l’hospitalisant, a rendue respectable. En lui-même, il n’est qu’une « chimère », une illusion qu’il faut reléguer à jamais derrière les nuages. (Q. A., 1. c, p. liai.) Il doit, en tout cas, rester aux dimensions de l’esprit humain, notion perpétuellement révisable. Lui prêter une autorité quelconque, superposée à celle de la pensée et de la conscience, serait un crime de lèse-humanité. Ce serait ouvrir la porte à des usurpations. Ce serait empêcher l’homme d’être maître chez soi. Ce serait l’amoindrir, le mutiler. Demeurer libre, libre à l’égard de toute autorité, ainsi que nous l’avons dit plus haut, n’est pas seulement un droit, c’est un devoir.

d) lieligion de l’Irrélgion. Le laicisme obligatoire.

— La liberté absolue, on la proclame un bien inaliénable. 1. Il faut que la personne humaine soit libre, écrit M. Ferd. Buisson : ce commandement s’adresse d’abord à la personne humaine. Elle-même ne peut pas plus annihiler sa liberté que la laisser annihiler ])ar autrui. Toute servitude est un crime de lèsehumanité, sans en excepter la servitude qui se croit volontaire. L’homme est fait pour penser, pour aimer, pour vouUdr. Si on le force ou s’il se force à ne pas penser, à ne pas aimer, à ne pas vouloir ou à ne le l’aire que par procuration et sur l’ordre d’autrui, c’est une personne mutilée : ce n’est plus l’homme s’épanouissant selon sa nature, c’estriiomme réduit à la passivité animale. La première forme de la liberté humaine, c’est donc la liberté de l’esprit. Il faut faire usage de sa raison et de sa conscience, pour avoir droit au nom d’homme libre. Qui a peur d’en user, avoue qu’il a peur d’être homme. Il peut décorer cette disposition du nom qu’il voudra, l’appeler foi, piété, dévotion, sentiment religieux, lumière