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JUIFS ET CHRÉTIENS

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telles que les rapporte une Vie du saint par Enoch de Jérusalem (vers 122 y) publiée par le canne Daniel DE LA Vierge Marie, ont paru à Pai’ebroch ne mériter aucune créance. Cf. Acta sanctorum, Paris, 186 ; ^, maii, t. II, p. "lO-Sy. Il est difficile de savoir ce que valurent les vingt-cinq raille conversions, et plus, qui auraient été dues au colloque de Tortose (14131 414). à l’écrit de Jérôme de Sainte-Foi, à la parole de saint Vincent Ferrier.

En somme, à s’en tenir aux textes sûrs, les conversions de bon aloi ne paraissent pas avoir été extrêmement nombreuses. Il y en eut cependant. De la plupart des convertis qui publièrent des apologies du christianisme, la sincérité n’est pas suspecte. Quand un Pierre Alphonse rappelle, Dial., præf., que, le sachant chrétien, les uns, parmi les Juifs, furent d avis que c’était impudence et mépris de la Loi divine, d’autres que c’était inintelligence des Ecritures, d’autres encore que c’était vaine gloire, quand il déclare qu’il écrit ut omnes et meam cognoscant intentionem et audiant ralionem in qua… cliristianam legem cneteris omnibus superesse conspicerem, de quel droit le proclamer hypocrite, et n’est-il pas évident, au contraire, par la façon dont ce DiuUigue est conduit, que n l’auteur croyait fermement les vérités qu’il } établit, que sa conversion s’était faite avec connaissance de cause », R. Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1767, t. X.l, p. 576 ? Il faut en dire autant d’HERMANN de Cologne, dont r.iulobiographie est si attachante et d’une psychologie si précise, et d’autres Juifs, connus ou anonymes, qui se sont convertis libreinenl. Supposer qu’ils n’ont été mus que par le souci de leur tranquillité ou par la perspective d’avantages teiTestres, c’est gratuit et injuste.

En présence de cette rareté de conversions relative, on se demanda si les Juifs sont convertissables. Tout le monde estima qu’ils se convertiront avant la fin des temps. Cf. les textes groupés par Drach, De l’harmonie entre l’Eglise et la Synagogue, t. I, p. 217-224 ; A. LÉMANN, L’avenir de Jérusalem, p. 335-3/(2 ; P. Bérard, Saint Augustin et les Juifs, p. 65-69. Mfis, exception faite de l’école qui se réclama du janséniste Duguet au xvii" et au xviii » siècles, et qui, exaltant le rôle futur des Juifs, chercha à prouver qu’après leur entrée prochaine dans l’Eglise il s’écoulerait de longs siècles, cf. J. Lémann, L’entrée des Israélites dans ta société chrétienne, p. 263-297, la conviction s’implanta dans les esprits que jusqu’à la fin des temps il sera impossible d’amener au christianisme la masse des Juifs. Quelquesuns, partant de là, conclurent qu’il n’y avait guère à se préoccu]ier de les évangéliser. Saint Brrnari), De Consider., III, i, 2-3, le dit clairement au i)apc Eugène III. Cf. Pierre de Blois, Contra perfidiam Judæorum, I, xxx. Paul. « Vlvaue, de famille juive, i donna à cette pensée un tour odieux, ICpist., xviii, 23 : Omnipiitens Dominus Sahanth ctmversionem ves- | tram quasi quoddam facinns odit. Ce langage esten | dehors du courant traditionnel. On admit que, si [ les Juifs ne se convertiront collectivement qu’aux 1 approches de la lin du monde, ils peuvent se con- ; verlir individuellement. L’Eglise travailla à multiplier ces conversions. Un de ses actes les plus caractéristiques, à ce point de vue, fut, à Rome, avec l’institution des prédications obligatoires, celle de i la maison des catéchumènes ouverte, sousl’inlluence ! de saint Ionace dk Loyola, par le pape Paul III, i (15’(3), pour recevoir les Juifs qui se préparaient au’baptême.

81. He 17H9 à nos jours. — On aurait pu croire que l’émancipation juive arrêterait le flot des conversions. C’a été tout le contraire. Un converti juif,

l’abbé I. Gosculer, le remarque, dans une note de sa traduction du Dictionnaire encyclopédique de ta théologie catholique, i’éiHt., Paris, 1870, t. XII, p. 453 :

« L’émancipation complète des Juifs de France, en

les mêlant à tous les rangs de la société, en les faisant participer, à leur insu, à tous les bienfaits du christianisme, soit que leurs enfants reçoivent l’éducation dans les institutions publiques, soit que les plus intelligents et les plus studieux d’entre eux remplissent les fonctions administratives, judiciaires, industrielles, siègent dans les conseils municipaux, dans les assemblées législatives, dans les sociétés savantes, ou servent dans les rangs de l’armée ; cette émancipation civile et politique, disons-nous, a plus fait pour la conversion religieuse des Juifs, depuis cinquante ans, que les persécutions et les exclusions de dix-huit siècles. L’Eglise a certainement reçu dansson sein, depuis un demi-siècle, en France, plus d’enfants d’israèl qu’elle n’en a jamais vu embrasser sa foi depuis son établissement dans les Gaules. » L’exrabbin Dracu avait signalé, avant lui, a ce mouvement bien extraordinaire dans la nation juive » et y avait vu « un signe certain des derniers temps du monde », De l’harmonie entre l’Eglise et la Synagogue, t. I, p. 224, cf. 3-4, 26-27, 3 1-32, 45, 85, 90, 224328. En 1879, les Archives Israélites, un des principaux organes du judaïsme, demandaient : « D’où vient que presqtie toutes les familles riches Israélites se soient converties depuis cinquante ans ? » Et elles citaient des noms, notant, par exemple, que <i de tous les descendants de Moïse Mendelssolin il n’y en a plus qui appartiennent au culte juif ». Sur quoi un de ces convertis, le P. M. -A. Ratisbonne, ayant reproduit le texte des Archives, observait, dans Jérusalem, Annales de In mission de j.-D. de Sion en Terre Sainte, n° 10, Marseille, septembre 1879, p. 17-2 !  : « Celui qui pose cette question mystérieuse à ses coreligionnaires de la Synagogue, aujourd’hui voltairienne, aurait pu ajouter à sa liste de « convertis riches » des volumes et des volumes remplis de milliers et de milliers d’autres noms que ceux des opulents banquiers ou négociants, qu’il a recueillis de côté et d’autre dans toutes les contrées de l’Europe. Pourquoi a-t-il oublié d’inscrire sur son catalogue tant de médecins, de peintres, d’avocats, d’écrivains en renom, d’administrateurs, d’industriels, de généraux de division, d’officiers de toutes armes, de simples soldats, d’artisans de toutes sortes, voire même de vénérables et doctes rabbins… ? Aujourd’hui, ces conversions se multiplient à l’infini. )’Le recueil des Annales de la mission de Aotre-Dame de Sion permettrait de dresser une liste considérable de conversions de 1879 à nos jours. Tous les Juifs qui ont reçu le baptême ne sont pas venus au catholicisme. Un très grand nombre ont passé aiu I)rotcstantisme ou à « l’orthodoxie « russe.

Que toutes ces conversions n’aient pas été irréprochables, qu’elles aient eu lieu parfois non par conviction religieuse mais pour des motifs humains, en vue d’un mariage, pour n’être pas en marge de la société distinguée, et, quand l’émancipation a été lente et incomplète, pour avoir accès à certaines carrières, qu’il y ait eu des conversions factices, superllcielles, il n’y a pas à en douter. Mais, en règle générale, la sincérité des conversions est plus sûre que par lepassé. Les bonnes conversions ont été nombreuses, d’où les mobiles suspects sont absents, où l’on fait à la vérité aperçue le sacrifice de son repos, d’avantages matériels, de ses relations de famille, oïl l’on surmonte, au prix d’un réel héroïsme, des dillïcultés de tout genre, y compris, disent les frères LÉMANN, /. « cause des restes d’/sraîl, p. 78, « celle qui nous avait toujours paru, à nous et ù d’autres.