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JUIFS ET CHRETIENS

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sectes qui se sont fondues dans la maçonnerie et qui auraient eu les Juifs pour inspirateurs et pour maîtres. A. Barruel, iVémoires pour servir à l’Itistoire du jacobinisme, Londres, 1796, le premier, a exposé cette idée, (^rayant la voie à une légion d’écrivains, parmi lesquels il sutlira de citer J. Crk-TiNEAU-JoLY, L’EgUse romaine devant la Révolution, Paris, 1863 ; Dbschamps, Les sociétés secrètes et la société, édit. C. Jannet, Paris, 1883. Il y a plus : on a dit qu’  « un centre de commandement et de direction a toujours existé chez les Juifs depuis leur dispersion générale jusqu’à nos jours ; que cette dii-ection se trouve aux mains de princes occultes, dont la succession se perpétue régulièrement, et qu’ainsi la nation juive a toujours été conduite comme une immense société secrète qui donne à son tour l’impulsion aux autres sociétés secrètes ». Esquissée partiellement par GoUGUENOT DES MoussEAUX, Le Juif, le judaïsme et la judaisation des peuples chrétiens, p. xxxi, SSO-bS^, cette thèse a été développée par E.-A. Chabauty, Les Juifs nos maîtres, Paris, 1882, et, à sa suite, par E. Drumont, dans La France juive, et par Gopin-Al-BANCELLi, Le drame maçonnique. La conjuration juive contre le monde chrétien, 12’édit., Paris, 1909.

Sous cette dernière forme, la tlièse manque d’une base historique ferme. « Il ne saurait être question de princes qui auraient commandé et dirigé tout le corps de la nation dispersée et dont la succession régulière, quoique cachée, se serait perpétuée. Le titre de princes de la captivité que prirent, après la dispersion générale, les chefs des Juifs en Orient…, a été plus liclif que réel, et absolument nul comme centre d’autorité sur tous les Juifs de la dispersion. » J. Lkmann, L’entrée des Israélites dans la société française et tes Etats chrétiens, 6 « édit., Paris, 1886, |). 342. Jusqu’au xviii= siècle, entre le judaïsme et les sociétés secrètes « il n’y a pas eu d’alliance proprement dite, mais seulement des allinités » provenant de la haine, et « des liaisons indécises ou passagères, des emprunts faits par certaines sociétés secrètes à la cabbale », p. 344- Mais ce qui est exact, c’est que, au xviii’siècle, les dilTérentes sociétés secrètes opérèrent leur concentration dans la franc-maçonnerie et furent, pour une part importante, dans le branle-bas de la Révolution française ; ce qui est prouvé, d’une manière à peu près certaine, c’est l’admission ollicielle du judaïsme dans la franc-maçonnerie, au couvent de Willemsbad (1781). Cf. Lkmann, p. 351-353.

B. Les Juifs et V antichristianisme révolutionnaire.

— Pendant la Révolution française, les Juifs jouèrent un rôle marquant, vu lem- petit nombre. Ils furent de ceux qui organisèrent le pillage des églises et des biens des émigrés. Au xix= siècle, ils ont secondé de leurs elTorts cette même Révolution, devenant de française européenne. Ils y étaient directement intéressés ; en travaillant pour elle, ils préparaient leur émancipation inaugurée en France et qui devait suivre, dans sa marche, la fortune des principes de 178g. <i Leurs banquiers, leurs industriels, leurs poètes, leurs écrivains, leurs tribuns, unis par des idées bien différentes d’ailleurs, concoururent au même but… Dans cette universelle agitation qui secoua l’Europe jusqu’après iS’|8…, les Juifs furent parmi les plus actifs, les plus infatigables propagandistes. On les trouve mêlés au mouvement de la jeune Allemagne ; ils furent en nombre dans les sociétés secrètes qui formèrent l’armée combattante révolutionnaire, dans les loges maçonniques, dans les groupes de la charbonnerie, dans la Haiileventc romaine. partout, en France, en.llemagne.en Suisse, en.ulriclie, en Italie », lî. Lazare, /.’antisémitisme, p. 3l2-3’|3.

Tout ne fut pas mauvais dans ce mouvement pour

la liberté. La lutte menée par le juif Daniel Manin pour arracher Venise à l’Autriche, celle que dirigea le juif Lubliner eu Pologne, par exemple, étaient légitimes. Mais, alors même que la tin poursuivie était louable, les moyens ne l’étaient pas toujours ; des éléments troubles et pervers apparurent qui gâtèrent les meilleures causes. Et trop souvent les grands mots que la Révolution avait inscrits sur son programme servirent à couvrir tout simplement la guerre au christianisme. Toutes les mesures d’oppression contre les catholiques ne sont pas dues à l’initiative des Juifs ; des Juifs les ont provoquées plus d’une fois, et rares sont les Juifs qui n’y ont pas applaudi. B. Lazare le reconnaît sans détour, p. 360 :

« Le Juif a été certainement anticlérical ; il a poussé

au Kulturkampf en Allemagne, il a approuvé les lois Ferry en F’rance… A ce point de vue, il est juste de dire que les Juifs libéraux ont déchristianisé, ou du moins qu’ils ont été les alliés de ceux qui poussèrent à la déchristianisation. Cf. G. Valbert (Cherbuliez), Laquestion des Juifs en Allemagne, danslaL Revue des Deux Mondes, i^’mars 1880, p. 213. B. Lazare écrivait en 189/5 ; dans tous les épisodes de la persécution qui a suivi et qui hélas 1 continue, on retrouve les Juifs. L’affaire Dreyfus est trop proche de nous pour qu’il soit besoin de noter sa répercussion sur la politique antireligieuse. A. Leroy-Beaulieu, si bienveillant pour les Juifs, avoue. Les doctrines de haine, Paris {1902), p. 88, que a c’est là un grief sérieux, auquel ne restent insensibles ni le chrétien qui a le désir de conserver la foi chrétienne, ni le politique qui croit qu’un peuple ne saurait se passer impunément de toute espérance religieuse. Entre tous les griefs agités aujourd’hui par l’antisémitisme, c’est un de ceux que les Juifs auraient le plus d’intérêt à écarter, comme un de ceux qui leur valent le plus d’aversion ou le plus de défiance, jusque parmi les gens les moins hostiles. Les Juifs qui ne le comprennent point, ceux qui, pour repousser les agressions des antisémites, se font les propagateurs de l’anticléricalisme, font fausse route ; ils fournissent des aliments et des arguments à l’antisémitisme «.

BiBLtoGRAPniB. — J. Bartolocci, Bihliotheca magna rabbinica, Uome, 1683, t. III, p. 699-73 1 ; L. Rupert, L’Eglise et la Synagogue, Paris, 1869, p. 92-264 (les listes de faits dressées par Bartolocci et par llupertsont peu critiques) ; les ouvrages cités dans les pages précédentes.

III. — La polémique antichrétienne

§ I. IjCs écrits. S II. L’apologétique juive. § lll. Les conversions. S IV. /.es attaques contre le christianisme et le ton de la polémique.

§ I. Les écrits

17. De 313 à 1100. — Nous traiterons ultérieurement des controverses orales entre les Juifs et les chrétiens, et du Talmud.dont la rédaction fut terminée au VI" siècle. La polémique antichrétienne écrite a pour auteurs des Juifs d’origine et des chrétiens qui ont embrassé le judaïsme. Citons, parmi ces derniers, un évéque de l’Asie ou de la Syrie, si tant est <iu’il faille admettre l’authcncilé d’une lettre que ScHi.osiiBRc. a publiée en arabe. Vienne, 1880, et dans une traduction libre sous ce titre : Controverse d’un évéque, lettre adressée à un de ses collègues vers l’an 5l’i, Versailles, 1888. BonoN, diacre du palais de Louis le Débonnaire, devenu juif et fixé, au milieu (les.Sarrasins, à Saragosse, où il épousa une juive (839), échangea une correspondance avec Paul Alvare de Cordoue : nous possédons des fragments de trois