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JUIF (PEUPLE)

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groupe de disciples qu’il avait choisis. On sait quel l’ut son succès. En dehors de ce qui reste du judaïsme lige dans ses observances, en dehors de cette régression lamentable qu’a marquée l’islamisme, le monothéisme s’appelle christianisme. Parlout où le Dieu des Juifs a clé prêché, on salue Jésus de Nazarelli comme le libérateur, le sauveiir, le roi éternel des siècles. — Entin l’on sait quelle altitude Jésus a prise vis-à-vis des formes diverses de la grande espérance. Il a résolument renoncé aux rêves de restauration nationale qui séduisaient alors un si grand nombre de Juifs ; il a déclaré que son royaume n’était pas de ce monde Ç/uan., xviii, 36). Il a rerais à son second avènement la consommation de l’œuvre divine, ce triomphe et ce règne eschatologiques dont l’annonce tenait une si grande place dans les apocalypses. Pour sa vie terrestre, le programme qu’il a adopté a été celui du Serviteur de Yaliweh, si admirablement décrit dans /s., XLii, i-4 ; XLix, 1-7 ; Lii, l3-Liii, 12. C’est en apùlre, en missionnaire qu’il a entrepris la conquête du monde. C’est dans la mort sur la croix qu’il a vu et accepté le suprême moyen de procurer le racliat de l’humanité. Et c’est la folie de la croix qui a vraiment rallié le monde à Yahweh ; partout où on offre aujourd’hui des sacriûces au Dieu d’Israël, c’est sur un autel surmonté d’une croix. Et tandis qu’à Jérusalem le vieux Temple de Yahweh a été profané et détruit jusqu’aux fondements c’est, à quelques pas de là, vers le sanctuaire qui abrite le Calvaire et le Sépulcre, que se donnent rendez-vous les foules avides de connaître le vrai Dieu.

3° Prophéties littérales et Prophéties spirituelles.

— A. Il est (loue facile, en s’en tenant à ces grandes lignes, de montrer dans la religion chrétienne la réalisation des espérances prêchées aux Juifs par les prophètes. Mais les premiers propagateurs du Christianisme et beaucoup de ceux qui les ont suivis ont poussé plus loin l’argumentation. Ils ont établi un parallélisme entre nombre de faits appartenant à la vie de Jésus ou se rattachant à son œuvre, d’une part, et, d’autre part, nombre de textes précis de l’Ancien Testament. Parmi les passages cités, il en est à la vérité qui, au sens littéral, sont réellement ræssianiipu’s et concourent à exprimer et à documenter la grande espérance dont nous avons esquissé l’histoire ; il est tout natiu’el que la première apologétique chrétienne ait mis ces textes en présence des laits qui en étaient l’accomplissement (cf., à titre d’exemples : Malth., i, 20-a3 avec /s., vii, 14 | ?) ; m. 17, avec Ps. II, 7, et Is., xlii. i ; xii, 17-21 avec /s., xi.ii, 1-4 ; XXII, /|4 avec Ps., c.k, 1 ; xxvi, 31 aec Ziicli.. xiii, 7 ; xxvii, 46 avec Vs. xxii, 2). Mais, en une foule d’autres cas, les rapprochements des faits et des doctrines évangéliqiies ont lieu avec des textes qui, au sens littéral, ne serapporlentni au Messie ni à son œuvre, ou qui, du moins, ne s’y rapportent pas selon la signification indiquée par le Nouveau Testament. Tantôt on allribue à un détail du texte une précision qu’à l’origine il ne comportait pas (cf. Matth., XXI, /(-5 avec’/.ach.. ix, 9. à propos de lànesse et de l’ànon). Tantôt le texte n’est en rapport avec le fait que grâce à une leçon particulière aux Septante {cf.Mallh., iii, 3 avec /s., xi„ 3 ; xiir, 3j avec Ps. i.xxviii, 2 ; XXI, iG avec P.s. viii, 3). On ^ oit encore : des textes d’une portée générale restreints à une signilication très particulière (cf. Matth., iv, G avec /’.v. xr.i, 11, 12) ; des textes ridalifs à Yalnveh qui sont appliqués au Messie (cf. Matth., iii, 3, avec Is., xl, 3) ; des textes relatifs à Israël <|ui sont interprétés du Messie (cf. Matth., II, 13-15 avec Os., xi, i) ; des rapprochements beaucoup plus artiticiels (cf. Matth., xxvii y, 10 avec /rtc/i., XI, 13 ; c’est surtout dans saint Paul

que de telles explications abondent). (Cf., pour certaines des particularités de détail que nous venons de signaler, dom Galmet, Commentaire littéral sur saint Matthieu, 11, 13-15 ; iv, 6 ; xxi, 4.5, iG ; pour le principe même du sens typique, dom Galmet, Commentaire littéral sur Isaie, préface générale, article V, Clarté et obscurité respecli^’e des prophéties ; leurs dierssens ; Jésus-Christ objet général des prophéties.)

B. — On peut voir se reiléter en de pareilles interprétations les procédés subtils d’exégèse en vigueur chez les rabbins aux abords de l’ère chrétienne. Elles témoignent certainement de deux choses en tout cas.

— a) D’abord, qu’à l’époque où Xolre-Seigneur est venu sur la terre, le monde juif était dominé jjar la grande espérance du Messie. L’argumentation des Apôtres n’aurait eu aucun sens si les Juifs n’avaient été dans l’attente du Sauveur et n’avaient basé cette attente sur leurs prophéties. — b) Les citations évangèliques et apostoliciues témoignent, en outre, du lien que très généralement on établissait entre le présent et l’avenir. On ne se bornait pas à entendre de cet envoyé de Dieu les textes qui en parlaient explicitement. Mais on était persuadé que tout l’Ancien Testament recevrait un accomplissement dans l’œuvre niessiani(]ue et, de cette persuasion, l’on tirait des conséquences : d’une part, que tous les détails de l’Ancienne Loi trouveraient leur réalisation dans la vie et l’œuvre du grand Libérateur ; d’autre part, iiiie, pour avoir la connaissance et l’intelligence de ce que ferait le Messie, il sullisait de scruter les Ecritures antiques ; la manière dont Hérode reçoit les Mages et consulte les prêtres et les scribes (Matth., 11, 4-G) est instructive à cet égard.

C. — Or, si beaucoup de textes de l’Ancien Testament se rapportaient littéralement à l’espérance messianicpie, un plus grand nombre encore lui étaient en cette manière complètement étrangers. De ces derniers, l’exégèse était dominée par ce principe que toute l’économie de la Loi était ligurative de l’ordre futur, que les personnages, les institutions, les usages d’antan étaient des symboles, des types, des ombres de ce qui devait se réaliser dans l’avenir. Ce principe, cher à l’exégèse juive, a été adopté par l’apologétique chrétienne. Saint Paul l’a consacré (I Cor., X, 6). Il tient une grande place dans les écrits apostoliques. Même cette prophétie « typique »,

« figurative », est en si haute estime qu’on ne songe

nullement à lui attribuer une valeur moindre qu’à la projihétie littérale : l’une et l’autre se présentent simplement comme la prophétie qui doit être réalisée par le Christ. Aussi bien, quand une fois la tradition s’est prononcée sur le sens messiani<iue d’un texte, on ne s’inquiète plus des niolii’s qui ont pu l’innuenccr ; en beaucoup de cas d’ailleurs, on ne serait jias en mesure de les découvrir.

D. — Il n’y a pas à justilier toutes les déviations que l’exégèse inessiani(iue des Juifs a fait subir au sens littéral des textes. De même l’on doit regarder. comme purement accommodatices les applications i que, peut-être sous l’influence du milieu ambiant, i les apôtres font à Notre-Seigneur et à son œuvre de paroles qui ne se rapportent à ce sujet, ni au sens littéral ni au sens s|)irituel. Quant aux applications basées sur le sens typique ou figuratif, rien de plus facilement justifiable. — a) L’étude de l’idée luessianiiiue et de sa réalisation aboutit en effet à nous faire voir dans l’ordre ancien et dans ror<lre nouveau les deux parties d’un tout organique d’une parfaite unité. Il devient dès lors comme très naturel de penser que, non content de i)ré(lire en des formules expresses son ivuvre future. Dieu a fait converger vers elle tout le dévelo])pcnient de l’ancienne économie. — /’) Or, quand on jette un coup d’œil