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JUIF PEUPLE)

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ou presque aucune place dans les oracles les plus beaux et les plus céK’brcs (/s., ii, 2-5 ; xi, i-8 [g^ ; même ts., ix, i-6 ; elc) ; elles paraissentà peine dans les oracles du Serviteur (/s., xiii, t-^ ; xlix, i-7 ; l/, -ii ; LU, 13-Lni, lî). liien plus : certaines idées, (ondaïucntales dans la propUctie, aboutissent à faire regarder comme caducs plusieurs des éléments qui tiennent le plus étroitement à la restauration nationale. La place faite par Ezéchiel à la justice individuelle, en vue de In participation aux espérances, ne s’adapte plus qu’imparfaitement aucontextedu rclabiissement du peuple : un royaume terrestre qui ne compterait que des justes est une chimère. Aussi, après l’exil, les âmes pieuses qui désirèrent travailler plus efficacement à la préparation des desseins de Oieu, se constituèrent-elles en une communauté distincte de la nation, au moins en principe. De même et plus encore, la participation universelle des peuples au royaume messianique entraîne l’abrogation de tout ce qui constitue le particularisme juif, non seulement dans le domaine politique, mais encore dans le domaine religieux ; elle entraîne, par exemple, l’abrogation des observances légales. Si pareille distinction entre les éléments essentiels de l’espérance et ses éléments secondaires est fondée, une conséquence en découle. On peut et on doit parler d’une véritable réalisation de ces espérances, alors même que les promesses matérielles ne se sont pas accomplies.

E. — Il est juste pareillement d’insister sur le caractère conditionnel des promesses matérielles.

— a) Les prophètes préexiliens avaient constamment lié l’avenir temporel du peuple Israélite à sa (idélité à Yahweh ; ils n’avaient pas craint d’affirmer que ses désobéissances attireraient sur lui les Iléaux et la ruine ; il ne survivrait que dans la mesure nécessaire à l’accomplissement des desseins fout spirituels de son Dieu. Sans doute les prophètes parlaient d’une restauration matérielle et, estimant que les châtiments de l’exil suffiraient à mettre pour jamais Israël dans la bonne voie, ils annonçaient ce retour de la prospérité sans poser de conditions. — b) Mais leurs successeurs d’après l’exil ne s’y méprirent pas ; la prospe’rilé des jours antiques ne revint jamais ; ils déclarèrent sans hésitation que la persévérance du peuple dans le péché relardait seule l'œuvre de la miséricorde divine ; il restait d’Israël ce qui était nécessaire pour la poursuite de la haute fin spirituelle que Dieu se proposait ; mais, par sa propre faute, ce reste était voué à la pauvreté et à la misère.

— c)ll en devait être ainsi jusqu'à ce que la venue du Messie eût assuré à tout jamais la réalisation de l’oeuvre spirituelle. A cette date, les Juifs, persévérant dans leurs fautes traditionnelles, se refusant d’ailleurs à reconnaître l’envoyé de Dieu, ne pouv.Tient qu'être, non seulement privés du bénéfice des promesses matérielles qui servaient de cadre à la sainte espérance, mais encore exclus, en tant que nation, de toute part à son accomplissement. Ce sont donc les Juifs eux-mêmes qui ont rendu vaines les promesses glorieuses dont les prophètes subordonnaient la réalisation à la fidélité à Yahweh (cf. Rom., ix-xi).

F. — Il est enfin possible que l’on doive faire intervenir, au moins à titre d’explication partielle, diverses considérations qui dégageraient daantage l<a réalisation des espérances messianiques de la lettre même des promesses temporelles. — a) Ces remarques seraient facilement suggérées, nousserablet-il, parcequ’onlit ilans les apocalypsesapocryphes. Une très grande place y est faite aux perspectives de la ruine, puis de la restitution du monde physique et des sociétés terrestres : — « ) Or, en lisant ces

développements, on est frappé par les traits extraordinaires, et parfois contradictoires, que l’on y découvre. S’agit-il du châtiment ? Les Iléaux les plus épouvantables se succèdent. On remarque tout d’abord la puissance des descriptions qui semblent nous transporter hors du domaine des réalités terrestres. Mais, en analysant <le plus près ces tableaux, on voit que les éléments qui les constituent se laissent ramener, malgré les grossissements les plus caractéristiques, à ces phénomènes qui, dans le monde actuel, apparaissent comme les manifestations les plus sensibles de la puissance et de la justice divines : Iléaux qui jettent la désolation dans les régions sur lesquelles ils s’abattent (épidémies, sécheresses, guerres cruelles, etc.) ; soubresauts qui semblent mettre en péril le monde lui-même (tremblements de terre) ; phénomènes qui, à raison de leur caractère insolite et mystérieux, provoquent la terreur dans les âmes encore primitives (comètes, éclipses, etc.). Bien plus : il n’est pas rare qu’on voie se succéder, en vue de la destruction du genre humain, une série de calamités terribles, dont chacune se présente comme devant aboutira un résultat définitif (cf. lien., xc, 18, ly). Alors même qu’il faudrait faire intervenir la pluralité des sources, ou supposer des interpolations, une chose resterait certaine : c’est qu'à un moment donné, de telles juxtapositions n’avaient rien qui choquât. Les descriptions, qui ont pour objet la reconstitution des choses, suggèrent des réflexions analogues. La manière dont surgissent les nouveaux cieux, la nouvelle terre, la nouvelle Jérusalem ; la fertilité prodigieuse du sol et la longévité phénoménale des hommes, lorsqu’il s’agit du messianisme terrestre ; les changements qui rendent le ciel plus splendide et les astres plus lumineux : beaucoup d’autres traits encore nous transportent dans un monde de rêve, loin du réel et, semble-t-il, du réalisable. — :) L’impression devient plus vive encore si, au lieu de se borner à l'étude d’une apocalypse, on prend une connaissance tant soit peu sérieuse de tout l’ensemble de cette littérature. En comparant et en groupant les divers traits des tableaux, on voit que les auteurs xililisent, chacun dans leur sens, selon leur goùl ou les idées qu’ils veulent faire prévaloir, une série de lieux communs qui se présentent comme traditionnels ou au moins comme suffisamment reçus dans les milieux où ils vivent, où ils écrivent. — /) En conséquence une question se pose : Les auteurs d’apocalypses regardent-ils leurs descriptions du jugement de Dieu et du règne messianique comme étant d’une exacte vérité, comme représentant d’une façon tout à fait objective ce qui doit arriver ? Pour résoudre ce problème d’une façon indépendante, nous avons à réagir contre l’exégèse rabbinique qui non seulement a pris ces exposés à la lettre, mais qui a encore forcé les traits à l’aide de synthèses qui tendaient à rapprocher et à concilier les éléments les plus contradictoires. En réalité, on pourrait avoir des hésitations si. dans chacune de ces œuvres, on remarquait une unité de vue, un enchaînement assez constants. De fait, tel n’est pas le cas, autant qu’on en peut juger à un moment où les problèmes qui se posent à la critique littéraire sont loin d'être tous résolus. On est ainsi amené à penser que lesauteurs d’apocalypses n’ont pas eu, à proprement parler, l’idée qu’ils décrivaient avec exactitude et précision ce qui devait arriver à la fin des jours. Ils avaient des vues très hautes sur la justice et la miséricorde divines, et ce n'était pas en vain qu’ils s'étaient nourris de la lecture des proi)hètPS. Ils avaient des certitudes inébranlables concernant les interventions par lesquelles Dieu rétablirait dans le monde l’ordre troublé par les péchés des hommes.