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JUIF (PEUPLE)

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chercher cette explication dans une idée absolument incoini)alible avec la mentalité de cette époque, et croire que les prophètes condamnent le principe même du culte extérieur et rêvent d’une relig^ion sans tem[)les ni autels. Ce qu’ils blâment, c’est le culte tel ([Vi’on lecélèbre sousleurs yeux.Et s’ilsle proclament indigne de Vahweh, désajjréable à Yahwch, c’est parce qu’il n’est pas accompagné de la pratique de la justn’e, c’est parce ([u’on prétend, en Israël comme chez les peuples j)aiens, en faire le tout de la religion, alors (jn’au regard du vrai Dieu, la praticjue de la justice prime le reste. La pensée des prophètes est, àcetégard, on ne peut plus claire (Am., v, 6, 7, 14, surtout 24 ; Os., VI, 6 ; viii, 13 ; /s., i, 16, fj ; Mi., VI, 6-8 ; Jer., vii, 4-1 1, 21-23 ; xiv, 10-12). C’est en adoptant ce programme que l’on reviendra à l’esprit primitif du culte divin (cf. Aiii., v, 26 ; Jer.. vii, 22, l’A). — /7)Enlin la justice de Yahweh a pour manifestation suprême les jugements i|u’il porte contre son peuple. On sait qu'à raison de l’endurcissement d’Israël, de son mépris pour les châtiments qui l’ont déjà atteint et pour la parole des prophètes, ces der, uiers n’hésitent pas à prédire sa ruine (Am., 11, 13-16 ; vni, i-3 ; ix, i-4 ; Os., 1, 2-1) ; xiv, i ; /s., vi, y-iSa ; AJi., i, 0, ;  ; lii, 12 ;./ec, xiv, 13-16 ; xv, i-y ; xxvri, 16-22 ; xxviii ; xxix, 20-23), à déclarer que, pour le seul triomphe de la justice, Yahweh renoncera, au moins pour un temps, à toute l'œuvre qu’il avait dessein de réaliser en son peuple. Idée si caractéristique et si élevée que les faux prophètes et les prêtres s’empressent à la combattre (.Jm., vn, 10-17 ; "'> "> *^>7 ; "'.5 ; Jer, xiv, 13-i.'J ; xxvii, 16-22 ; xxviii ; XXIX, 24-28). C’est peut-être chez Amos qu’elle reçoit son plus complet développement. Dans le grand jugement initial (Ain., 1, 11), Israël prend, parmi le délilé des nations au tribunal de Yahweh, une place absolument pareille aux autres. Le verdict qui le condamne est formulé dans les mêmes termes que pour les autres peuples. La matière du jugement, elle aussi, est pareille : aux nations, Yahweh reproche, non d’avoir ignoré son nom, mais <ravoir violé les grandes lois de la justice et de l’huiuanité (Am., i, 3, 6, y, 11, 13 ; 11, 1) ; il ne censure pas autre chose en Israël (Ain., 11, 6-8). Les arrêts sont semblables (.4m., i, 4. 6, 7, 8, 10, 12, 1 4, 15 ; u, 2, 3, comparés avec 11, 13-16). C’est allirmer qu’en présence des grandes lois de la conscience, Israël est au même rang que toutes les autres nations (cf. Am., IX, 7"). Amos va pourtant plus loin encore. Lorsqu’il prononce sur Israël la sentcni’C de cimdamnalion, il lui rappelle les faveurs dont Dieu l’a comblé, surtout à ses origines (.4m., 11, 9, 10), les lumières et les exemples qu’il lui aménagés (.4m., ii, 11). C’est pour accentuer davantage la culpabilité du peuple ingrat (Am., II, 12) ; c’est pour coiuhire « lue, loin de lui être un titre à miséricorde, les privilèges dont il a abusé lui vaudront un châtiment plus sévère (.4m., iii, 2). — cô) Les pro|ihètes du huilième siècle n’ont guère envisagé la justice de Yahweh que dans ses rapi)orts avec le peuple. (Vest surtout au temps de Jéréniie quc l’on commence à prêter une attinlion plus grande au.x^ individus. L’intimité de ses relations avec son Dieu, l’opposition que sa sincérité, son zèle pour le bien lui attirent de la part du plus grand nombre de ses compatriotes, préparent ce prophèlo à comprendre ([ue le sort d’un individu n’est pas nécessairement solidaire du sort réservé à une famille ou à une nation. Aussi aura-t-il mission de pro<dainer ce i)rincipe sur lequel Ezéchiei insistera tant : que les lils ne porteront pas la peine des fautes de leurs pères, mais qu’un chacun ne sera |mni que i)our ses propres iniquités (.fer., xxxi, 2g, 30).

4° Le monothéisme depuis Moïse jusquau neuvième siècle. — Bien qu’ils ne l’ak-nl pas formulée avec autant de précision ni d'éclat que le Deutéronomeou /s., xl-lxvi, les écrits des prophètes préexiliens nous fournissent lesélèments d’une doctrine complète du monothéisme moral. Sans aucun doute, on y découvre des traces évidentes de développement et de progrès ; il n’en est pas moins vrai que les grandes lignes du tableau remontent jusqu'à Elle. Or ces projjhètes, loin de se poser en novateurs, prétendent tout simplement rappeler au peuple des vérités qu’il devrait savoir, mais que dans la pratique il a oubliées ; ils entendent n'être autre chose que les échos d’une tradition très si ! ire et qui remonte jusqu’aux origines. Peut-on justiUer leur prétention ?

A. —.Voise. — Les critiques distinguent, on le sait, quatre documents dans le Pentateuque : le Yahwiste, l'Éloliiste, le Deutéronome et le Code Sacerdotal. Mous avons vu que la plupart des critiques étrangers à l’Eglise placent la composition du Deutéronome au septième siècle. Le code sacerdotal est, d’après eux, plus récent encore et, en grande partie, postexilien. Ouant au Yahwiste et à l'Élohiste (documents prophétiques), ils ne sont pas antérieurs au dixième siècle. Nous sommes loin de l'époque de Moïse. Toutefois les mêmes critiques, si l’on excepte ceux d’extrême gauche, ne doutent pas que l’on puisse s’appuyer sur les traditions consignées dans ces documents, dans les deux derniers surtout, pour reconstituer les grandes lignes de l'œuvre de Mo’ise. Nous pouviins donc, au moins provisoirement, nous placer sur ce terrain.

o)Le fait(pii domine la période mosaïque est, au moment de la fondation du peuple d’Israël, l'établissementdu lienuniquecpii lerattachera à Yahweh.

— ».) D’après ledocumeutyah wiste, lecultede Y’ahweh remonterait aux temps antédiluviens (Gen., iv, 26), aurait été pratiqué par Noé (Gen„ viii, 30-22) ; rien a jiriori n’empêche qu’il se soit conservé en dehors de cette race patriarcale qui, en tant de circonstances, le pratique avec une vraie ferveur (Ge/i., xii, 1-3, 6-8 ; XV, 6-11, 17, 18, clc). Dans la révélation du buisson ardent (E.i., 111, 2-4 »), Yahweh déclare qu’il est prêt à venir au secours du peui)le pour le faire sortir d’Egypte et l’introduire dans le pays promis aux pères (El -, iii, 79 ») ; autrement dit, il se propose de l)résider à la transformation qui, de la famille de Jacob, fera une nation ayant sa patrie et son séjour déterminé. —, 3) Dans l'éloliiste, le but des interventions divines ap[>arait le mèmequedans le yahwiste (E.r., iii, 10, 12). Seulement Yahweh manifeste, en outre, le nom sous lequel il veut être honoré désormais, son nom pour jamais, son mémorial pour les générations (Ex., lii, 15). Ce qui ne veut pas dire que Yahweh soit uu Dieu nouveau pour la famille de Jacob (E.r., iii, 6), ni que son nom ait été jusque-là totalement ignoré ; ce qui est nouveau, c’est l’importance donnée à ce nom (cf. E.r., iii, 14), qui sera à l’avenir li' vrai nom de Dieu pour les lils d’Israël.

— 7) Le documentsacerdolalditbien (/i'.r., vi, 2, 3)que Yahw eh apparaissait aux pères en El Sadday, qu’il ne se faisait pas connaître d’eux sous le nom de Yahweh..Si absolue qu’elle paraisse, une telle assertion ne semble pas impliquer l’ignorance complète du nom de Yahweh chez les lils de Jacob. — ô) Il est en somme possible que le nom de Yahwch fût connu en dehors des tribus quidevaientconsliluer essentiellement la nation Israélite, v. g. chez les Cinéens ou Qêniles (Ex., xviii, 9-12, J 4-E). Ce qui est certain, c’est que ce nom était déjà en honneur chez une partie (les familles delà race de Jacob, notamment sans doute chez ces lils de Lévi qui jouiront toujours d’une situation prépondérante dans son culte. —