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JUIF (PEUPLE)

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étrangers établis chez lui, tout en rendant hommage à sou dieu, introduisent avec eux sur son sol le culle de leurs propres divinités : Cf. lattituded’Achab visà-vis des dieux de Jézabel (l lieg., xvi, 31-33), de Salomon vis à-vis des dieux de ses femmes étrangères (I lieg., XI, i-13). De plus, en multipliant les autels en l’honneur de la même divinité, l’hénothéiste, surtout dans ces périodes lointaines et en ces milieux, en arrive pres([ue fatalement à la sectionner ; c’est ce qui a lieu notamment lorsque, dans des localités diverses, le nom divin est déterminé par des épithètes spéciales : Le Baal de Peor (Cf. iY((m., xxiii, 28 ; XXV, i, 5, 18) n’est pas de tout point identique au Baal de l’Hermon (Cf. Jiid., iii, 3 ; 1 Cliroii., V, 23) ; le Baal Borith (étjm. baal de l’alliance) honoré à Sicheni (Jiid., viii, 33 ; ix, '1) n’est pas tout à fait le même que le Baal Zebub (étym. baal de la mouche) d’Ekron (II lieg., i, 2, 3, etc.). Sans iloute le mot ba’ale^l un nom comiuun, une épitliète ; l’usage d’un nom proj)re pour désigner les dieux locaux — v. g. Chamos au pays de Moab — ne changera que très partiellement les caractères qui tiennent à l’hénothéisme lui-même.

G. — La formule théorique du monothéisme est des plus brèves : Il n’y a qu’un seul Dieu. Mais, si concise soit-elle, elle renferme un double élément : — un élément pusitif, en ce que d’un être concret elle affirme les propriétés, les attributs qui caractérisent essentiellement la divinité. Il est bien entendu, en elTet, que le monothéisme dont il est ici question n’est pas le résultat d’une simple spéculation philosophique, aboutissant sans plus à un concept, à une idée générale ; il s’agit, comme à projjos du polythéisme et de l’hénothéisme, d’une religion rapportant à un être nettement déterminé le culte iiuc l’on rend ailleurs aux dieux ; — un élément négatif, en ce qu’elle refuse le titre de divin à tous les autres êtres auxquels polylhéislesothéno théistes prétendent le donner. Cet exclusivisme ne va pas jusqu'à nier l’existence d'élres appartenant au monde invisible et intermédiaires entre le seul Dieu et l’homme. Le seul Dieu peut admettre à ses côtés des êtres qui, par leur nature, lui ressembleraient plus qu’aux êtres matériels, l’homme y compris ; qui, à ce titre, pourraient être considérés comme de sa famille et, au sens large, s’appeler ses tils..u surplus, lisseraient aux ordres du seul Dieu, ils conslilueraient comme une armée de serviteurs pour exécuter ses messages au milieu du monde ; ces êtres, en elfet, demeureraient dans une situation entièrement subordonnée, séparés de Dieu par la dislance qui existe entre le Créateur et son<euvre. Le monothéisme est pareillement compatible avec la présence d’autres êtres spirituels, mais indisciplinés, opposés à Dieu ou révoltés contre lui, tievenant les perturhiiteurs de son œuvre ; l’essentiel est que ces esprits mauvais api)araissenl nettement comme des inférieurs, obligés en dernière analyse de se courber de^ant l’autorité du seul Dieu. Même la présence de ces légions du mal peut servir à éclairer la vraie nature de ces êtres que le polythéisme traite comme divins, que le monothéisme rejette.

Il a, en ed’el, deux manières de les considérer : affirmer purement et simplement que ces [irétendues divinités ne sont rien, qu’elles ne sont que vanité et néant ; y voir comme l’incarnation des ennemis invisibles du vrai Dieu, qui ont réussi, au moins pour un temps, à lui prendre une part de son empire. On sait que le même verset 5" du Ps. xcvi, qui i>roclaine la déchéance des idoles, déclare en hébreu qie les dieux des nations ne sont quc néant, en grec qu’ils sont des démons. Lvidemment c’est le sens de l’hébreu qu’il faut retenir ; mais, juxta posées, les deux leçons témoignent des diverses manières dont on peut envisager la situation des faux dieux dans le monothéisme.

« ) Mais l’on n’en est pas nécessairement venu du

premier coup à ces fornmles précises ; le développement de la foi monothéistepeutavoireuson histoire ; celle-ci peut même avoir eu des commencements assez humbles. — y) Quels qu’aient été ces débuts, il faut que dés l’origine l'être auquel on donne le nom de Dieu manifeste, en sa nature et en son activité, une réelle transcendance : on ne saurait reconnaître le monothéisme, si rudiræntaire qu’on le suppose, là où l'être que, par exemple, l’on traite comme créateur ne se distinguerait pas des créatures. Il n’en est pas moins vrai que l’idée que l’on se fera de sa supériorité et de son empire ira sans cesse grandissant. Le Dieu en question s’occupera avant tout du peuple qui l’honore ; si un autre élément n’intervenait pas, dont nous parlerons ci-dessous (cf. S), la distance serait très minime entre ce monothéisme initial et un simple hénothcisme. — 5) Dès l’origine toutefois, ce Dieu témoignera, d’une manière plus ou moins explicite, de ses droits sur le reste de l’univers ; ce sera à l’occasion des divers incidents qui constitueront l’histoire de son peuple. Que celui-ci entre en conllit avec d’autres nations, c’est à son Dieu qu’il attribuera d’avoir réglé les issues de la lutte et, par conséquent, les destinées des nations étrangères aussi bien que la sienne propre. L’idée de la transcendance divine sera, de ce fait, élargie, agrandie. Le progrès s’accentuera à mesure que le « vrai Dieu » étendra son empire et celui de son peuple sur des nations de plus en plus nombreuses, de plus en plus puissantes. Qu’un jour les vicissitudes de l’histoire le mettent en conllit avec ces empires qui semblent les maîtres du monde, que de cette lutte il sorte encore victorieux, et l’on peut dire que, dans cette direction, l'élément positif de l’idée monothéiste aura trouvé sa forme quasi définitive. Le Dieu en question sera déjà, par sa puissance, par son activité, par sa transcendance, le Dieu du momie humain tout entier. — /) Mais il est une autre direction dans laquelle ce progrès peut aussi se réaliser. Les dieux n’ont pas seulement des rapports avec les peuples, ils en ont encore avec les phénomènes du monde physique, du ciel et de la terre. C’est en ce domaine surtout que les jieuples polythéistes ont donné libre essor à la fougue de leurs imaginations. Autant de dieux que de phénomènes ou de forces ostensiblement reconnus : dieux du ciel et de la terre, dieux de l’air et de l’eau, dieux de la foudre et de la tenqjête, dieux des montagnes, des bois, des sources, etc., tous d’ailleurs à i)eine distincts des phénomènes spécifiques auxquels ils président. Dieux dont les activités diverses se condjinent en des théogonies ou des cosmogonies plus ou moins complexes, selon la manière dont on envisage les relations qu’ont entre elles les forces auxquelles chacun d’eux préside. Par voie de contraste, le monothéisme se manifestera dans l’attribution au seul Dieu du souverain domaine sur les éléments, de la causalité suprême de tous les phénomènes qui se succèdent, de la fixation de toutes les lois ipii les régissent. Ici encore le progrès ira s’affirmant à mesure que l’observation agrandira ce champ nouveau des activités divines. Plus encore (pie son intervention dans le régime des peuples, cette action sur le monde physique contribuera à accentuer la transcendance du vrai Dieu. Sans cesse présent à l’univers par la direction qu’il donne à tous les événements (]ui s’y déroulent, il s’en distinguera d’autant plus nettement [lar sa iiersonnalité et ira s’en tenant à une distance de plus en plus