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JESUS CHRIST

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des défiants et des vaincus. Ni ils ne s’attendaient à revoir leur Maître, ni ils ne le reconnurent d’abord. Il n’existe aucune ressemblance entre les visions qui convainquirent ces hommes de peu de foi et les

« fantômes de vivants » entrevus par quelques personnes, 

ou les hallucinations dont l’histoire a gardé un souvenir plus ou moins net. Ici, l’objet reste vague, ne s’impose coniniunérænt qu’à un sens (ou la vue, ou l’ouïe), rarement à plusieurs, jamais chez un homme sain à tous’— hormis le cas de sommeil naturel ou provoqué. Faute de contrôle et de réaction, l’hallucination tend alors en effet à devenir complète. Mais tout émus qu’ils fussent, les apôtres n’étaient pas des détraqués ou des débiles. Ils ne dormaient pas. Ils voulaient positivement réagir. Leur passé, leur avenir ne permet pas de les assimiler aux petits cercles exaltés — disciples de Savonarole, Camisards cévenols — avec lesquels on se donne le tort de les comparer. Loin de pouvoir alors

« créer » son objet, dans un élan désespéré, comme

on est obligé de le supposer, la foi des apôtres avait elle-même besoin d’être renouvelée, relevée, recréée. La parole des femmes n’y sufht pas, non plus que la vue du tombeau vide.

405. — L’hallucination enfin, même < vraie » (au sens où quelques-uns de nos adversaires le prennent, c’est-à-dire l’interprétation d’une présence spirituelle comme réellement objective, sensible, se manifestant par des paroles, des gestes, etc.), reste stérile, parce qu’elle est fondée sur la débilité et l’illusion. Ou elle tend à devenir habituelle, et c’est l’équilibre de la vie mentale et morale qui peu à peu fléchit, pour s’écrouler enfin dans la manie ; ou, restée à l’état d’incident sans lendemain dans une vie normale, elle n’y exerce aucune influence durable. Son milieu reprend l’homme sain d’esprit, et tout est dit : il ne subsiste dans son souvenir qu’une incertitude, une inquiétude, un point sensible. Est-il besoin de montrer quel abîme existe entre ces phénomènes anormaux, toujours un peu morbides, partant inféconds, et la conviction ferme, sereine, invincible qui, sans arracher les disciples à leurs traditions, à leur ambiance, à leurs habitudes d’esprit, les redressa, les transforma, centupla leurs énergies, interpréta pour eux tout le passé, fit de ces hommes, durant tant d’années, des chefs, des convertisseurs et des héros ? Que l’on songe à l’influence exercée par les Douze, non seulement aux premiers temps, dans un cercle relativement restreint de disciples, mais quinze, mais vingt ans après, alors que des hommes comme Paul, .-VpoUo.Silaset cent autres se référaient à leurs visions comme au témoignage décisif, à leur enseignement comme à la voie sfire, hors de laquelle on courrait en vain I (Gal., ii, a.)

406. — Les infiltrations païennes. — Sinouspassons aux « infiltrations mythologiques » dénoncées ou soupçonnées dans nos récits (et les traditions qui sont à la base de ces récits) par divers auteurs, nous nous trouvons en présence <I’un nombre considérable de rapprochements dont quelques-uns seulement sont spécieux -. Chaque critique a utilisé dans ce but

1. Sur tout cela, Pierre.Tatvet, L’automntiiijnepsychoh-iiyM <r^, Paris, 1899, p. 451 sqq., 457 sqq.Surles hnllucin.itions en général, p.subconscient et les t phénomènes transcendants n : fantômes, messoges, etc. voir J. de.k Vaissiîîhe, Elément) de Psychologie exprrimeniale, Paris. 1912, avec bibliographie 1res complète, p..’îfii,.’ ! 68-.369, : tT2-.’17.3.

2, Les principaux de ces rapprochements ont été réunis par C. Clemen, dans ta ïteligiortigeachichtliche Frhlærung des euen Testaments, Giessen, 1909, p. 140-1^5. La circonstance du « troisième jonr n est une de celles qni ont donné lieu au plus grand nombre de combinaisons.

l’objet de ses études spéciales. Les assyriologues

H. ZiMMERy, P. JeNSEN, PlADAU, ViROLLEAUD UOUS

renvoient naturellement à Babylone, à Marduk, aux dieux assyriens. Pfleiderer et RsrrzExsTEi.N recourent aux religions orientales et égyptiennes, aux cultes d’Attis, d’.donis. d’Osiris. Les plus ardents promoteurs de la méthode, H. GrNKBL, T.-K. Chevxe et leurs émules, prennent de toute main et de toute fable les traits qui leur paraissent susceptibles d’une application quelconcpie. On n’attend pas qiie nous entrions dans un détail fastidieux, qui risquerait de perpétuer, sous couleur de les discuter, maintes

« explications » que leurs auteurs responsables ont

déjà abandonnées.

407. — Nous noterons seulement quela théorie de l’emprunt direct n’est plus soutenue à peu près par personne’. On se rejette sur des emprunts indirects, le milieu juif étant censé avoir servi d’intermédiaire entre les mythologies de la Babjlonie, les doctrines de l’Iran, les cultes orientaux d’une part, et le christianisme naissant. En ce qui touche le sujet présent, on peut résumer les vues des adversaires dans les deux propositions snivanies : la notion chrétienne de résurrection a pu être influencée — d’aucuns disent : a été sûrement influencée — par les croyances, alors très répandues, de dieux mourant et ressuscitant. La fixation de la date : Jésus est ressuscité le troisième jour, est due probablement à des calculs et à des suggestions d’origine mythologique. Une ana-Ij’se un peu serrée des pages consacrées à la question par Hermann Gunkel- aura le double avantage de préciser sur un exemple concret les procédés de l’école dite < comparative » (religions^escliichtlicli), et de donner à la critique une base ferme. Je choisis à dessein l’un des plus modérés et probablement le plus solidement érudit des tenants de la méthode.

Jésus n’est pas le senl, ou le premier, des êti-es divins à la n ?surrection duquel on ait cru. La cro.vance à la mort, suivie dun retour à la vie, des di* u.x, existait pinncipalement en Egypte, mais aussi en Babylonie. en Syrie, en Phénîcie. Originairement, il s’agissait d’événements naturels pris comme les moments d’une vie divine : les dieox du soleil ou de la véirélalion pennissent au matin ou au printem|js. Il est bien mulaisésans doute de supposer que ces symboles et ces croyances eurent næ influence directe sur les disciples dn Christ. Mais, dans le judaïsme même, n’y avait-il pas queli^ue trace de notions apparentées ? Les morceaux mystérieux de r.

cien Testament concer nant le Serviteur de ïahvé n’ont-îls pu suggérer la pensée d’un Christ mourant et rendu h la vie ? Certes, le judaïsme officiel, à l’époqiie de Jésus, ignor.TÎt tout cela. Qui dira que cette notion n’avait pu se former dans certains cercles particuliers, écartés ?

D’autant que la date assignée à la résurrection du Christ rend l’hypothèse plus vraisemblable. La résurrection eut lieu, nous dit-on, le malin du dimanche de Pâques, au lever du soleil. Est-ce un hasard que cette coïncidence ? Le dieu mort, d.ins les religions orientales, renaissait au matin, avec le soleil (qu’il personnifiait) et au printemps. Allons plus loin : le Christ est ressuscité .( le troisième jour » ou (( au troisième jour)). Pourquoi ? Les premiers chrétiens disaient : parce que cela était prédit ! Mais chacun sait que c’est après coup qu’on a trouvé dans l’Ecriture cette indication. Si l’on veut expliquer d’où vient cette notion du troisième jour et l’importance

M. E. Maxcesot a pris la peine de les recueillir et les a fort bien discutées : la Ttésurrection de Jésun, p. 5.^-64.

1. Il faut excepter les récits de l’enfance, particulièrement attaqués par Paul Wendi.and, habituellement moins téméraire : Die hellenistisch-roemische Kriltur in ifiren Bezleltungen zit Judentum und Christentum-, Tubingen, 1912.

2. Ziim religionsffesc/iichtlichen Verstændnis des N. T., Goetlingen, 1903. p. 76-S2. Je ne connais rien déplus clair dans l’énorme littérature de l’érole. On ne donne ici qu’un résumé, terminé par nue citation textuelle.