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JESUS CHRIST

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et spirituelle, intuition, prophétisme, guérisons de tout ordre, résurrections, délivrances, dépasse les forces naturelles qu’on peut bonnement supposer à l’œuvre dans ce coin de Palestine, à cette époque, et à n’injporte quelle époque.

Il faut dune choisir entre le rejet des faits (et c’est une oplioii lourde de conséquences, qui suppose une philosopliie bien assurée !) ou la reconnaissance, en Jésus de Nazareth, d’une force surhumaine, transcendante, au sens général du mot, surnaturelle.

347. —.prèscela, il ne faut plu s qu’al>orderle dernier point de cette longue enquête, en nous demandant si la force extraordinaire qui se manifeste d’une façon si éclatante en Jésus, peut être en toute sécurité attribuée à Dieu même. Ce qui précède a déjà montré l’invraisemlilance de la suggestion pharisaique metlantau compte d’esprits pervers certains miracles du Sauveur. " Il a entente avec le malin », insinuaient-ils, tet c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons ». Jésus nedédaigna pas de rétorquer cette vile allégation (.1//.. xii. a^-Si) : son œuvre entière est une lutte, laborieuse et victorieuse, contre les puissances de mal. Celles-ci, en l’aidant, se détruiraient elles-mêmes !

348. — Mais ce n’est pas assez dire. L’action thaumaturgique du Christ se démontre très digne de Dieu, aussi bien par ses traits négatifs que par les positifs. Les éléments d’égoïsme et d’ostentation, cettedouble tare du merveilleux non divin, sont ici réduits à rien. Jésus refuse de faire des miracles pour changer des pierres en pain, pour se donner en spectacle au monde, pour contenter l’avidité morbide de ses contemporains, pour s’éviter fatigues et souffrances durant son ministère, pour se concilier les bonnes grâces des puissants tels qu’Hérode Antipas et Ponce Pilate.

II est vrai que chaque détail de cet ensemble imposant n’est pas immédiatement et évidemment « édi-Oant » — et c’est un grand signe de la simplicité et de la sincérité de nos évangélisles. On connaît les scrupules, parfois un peu risibles, énoncés par quelques savants rationalistes en face de la panique des porcs de Gérasa, et des pertes éprouvées de ce chef par les habitants’. On n’ignore pas que plusieurs ont cru voir un mouvement de colère dans le geste très signiiiant pourtant, et de haute portée morale-, du figuier desséché :.Vc., xi, 13 sqq., 20 sqq.Cesont là, dans le premier cas surtout, des épisodes dont plusieurs circonstances nous échappent, mais dont le sens général, exemplaire, ne saurait faire doute et qu’il est sage d’interpréter par la masse des autres prodiges évangéliques.

349. — Cette masse est manifestement orientée dans le sens le plus noble, le plus élevé, le plus divin. Les miracles de Jésus sont l’image vivante, le symbole de son œuvre spirituelle. Ils sont le Royaume de Dieu en actes. Il existe entre l’enseignement merveilleux et les miracles une harmonie admir.ible, que toute l’interprétation clirélienne authentique a relevée. « Ils ont, observe.^Dorsnx, une langue pour qui sait les entendre. Car le Christ étant lui-même le Verbe de Dieu, ses actions sont pour

1. Voir ci-dessus, n. 323. L’on pput chercher des détails et des conjectures dans W. Mfnzif* Alexandkr, Demonic Possettion in the.V, 7*., p. lH’i-21.^, et surtout dans .1. Smit. De Dæmoniach in hitioria evangelica, p. 334-’*2".

2. LH-dessiis, en particulier Bosquet, Méditations sur rErans^rle, dernière semaine, 20* jour. Ed. Lâchât, VI, p. I2îi-r2.T. On peut voir aussi L. Fonck f ! r. ilal. lïossi di

, Lucca). / miracoli dtl Signore nel Vangelo, I, Rome, 1914,

J p. 596-610.

nous un verbe, une parole’. » Mais bien avant saint Augustin cette exégèse était classique et les spécimens les plus accomplis nous en sont conservés par le quatrième évangile. Dans ces histoires qu’il tient pour véritables et qu’il donne pour telles, saint Jean sait distinguerdessymboles extrêmement fra[)iiants : la guérison de cet aveugle-né, racontée au chapitre IX de l’évangile, nous fait voiren Jésus la lumière du monde. La résurrection de Lazare, au chapitre xi, montre dans le Maître de Nazareth, la résurrection et la vie-. On abuse du caractère délibérément explicite dueommentairejohannique en concluant que l’auteur a plié ou même inventé, en se servant de traits pris çà et là, les faits qui servent de fondement aux symboles. L’ingéniosité ralBnce dépensée par MM. Jean RÉVILLE et LoisY 3 pour établir cette thèse, déjà esquissée dans D. F. Sthai’ss, est de l’alexandrinisme tout pur. Chaque cycle des miracles évangéliques (par exemple les expulsions des démons), chacun des miracles destinés à symboliser un enseignement (par exemple la pêche miraculeuse, la guérison de la femme courbée depuis trente-huit ans), plusieurs des miracles « de miséricorde p (par exemple la résurrection du tils de la veuve de Nain), auraient pu fournir à Jean le motif de récils aussi pleins de sens que ceux qu’il a choisis, Dira-t-on qu’ils ne sont que des symboles ? La vérité est que, de la vie merveilleuse où ils sont enchâssés, de la doctrine sublime qu’ils figurent, incarnent ou achèvent, les miracles prennent une portée doctrinale infinie (a„Trr, pty.). Ce sont bien là les actes qu’on attendait d’un tel Maître.

38O. — Là toutefois ne se borne pas leur valeur. .S’ils sont es signes(rr, ust ! y^ de réalités pins hautes, spirituelles, éternelles, ils sont encore des puissances (ôi/^ai/.£i ;), et commencent détendre ce Royaume de Dieu qu’ils représentent au vif.

Par leur splendeur, ils tirent les regards de ceux qui sont plus éloignés de croire, plus indolents ou plus frivoles. Mais par leur être physicfue, ils vont à promouvoir l’œuvre de rédemption et de salut. Les esprits malins sont liés, contredits, chassés ; les maladies et toutes les tares du péché d’origine sont éliminées, mitigées, vaincues ; le mal, sous toutes ses formes, recule. L’empire exercé jadis par le premier homme, et dont l’image flottait comme un beau rêve devant les yeux de l’humanité vieillie, reparaît soudain comme dans une aurore, gage et début de la Rédemption totale, où âmes et corps seront véritablement et à jamais délivrés de tout mal.

331. — En résumé, les miracles font, dans l’Evangile, partie intégrante de récils dignes de foi ; ils sont en connexion manifeste avec la mission et le témoignage du Sauveur ; ils dépassent nettement l’amplitude d’action des forces natnrellesen jeu ; ils n’offrent

]. « Habent enim [tniracala], si intelleganlur, linguam suam. Nam quia ipse Christus Verbum Dei est, etiam factum Verhi verbum nobis est. » Tract, in loan, , xxiv, 2, P. L., XXXV, col. 1593.

2. J’aime à renvoyer à l’eiégèse complète de ces récits par.M. Lepix, La valeur historique du IV’Evangile, Paris, 1910, I, p. 70-108 (raveugle-né) ; lOfi-180 (la résurrection de Lazare). On remarquera que l’inierprcialion symbolique des miracles existe déjà chez le » Synoptiques. parfoi< explicitement Le « Dorénavant tu seras pcclieur d’hommes », qui clôt le récit de la poche miraculeuse Le, V, 10, correspond tout à fait aux formules johanniques :

« Je suis la lumière du monde », " Je suis la résurreclion

et la vie », etc.

3 Jean Réville, Le Quatrième Evangile-, P.nris. 1902 ; Alfr. LoiSY. Le Quatrième Evangile, Paris. 1903. Je me suis expliqué pins longuement sur ce dernier ouvrage dans la Revue Biblique de 1904, p. 431 sqq.