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JESUS CHRIST

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de sanctiQcalion possède par une société religieuse. J-’ait extraovdiuaire, et à ce titre Uxanl l’attention des indiirérents, des incroyants, de tous ceux qui n’ont pas les j-eux de l’àiue ouverts à des signes moins voyants. Faitcoitsuléré dans ses enlours concrets, capaMes de situer l’événement, de permettre une appreiialion portée en connaissance de cause, d’écarter certaines interprétations, en bien ou en mal, que la seule ([ualité du l’ait n’exclurait jias nécessairement. Fait suggéranl d’abord (sauf en certains cas où la lumière est comme foudroyante) et enfin persundant d’attribuer à Dieu même la responsahiliié, la valeur signiliante, du prodige. Ce dernier pas, le plus important, le seul décisif, est rendu possible et raisonnable par la c nstatation d’une double transcendance : physique, corporelle, littérale, et morale, spirituelle, religieuse. Insistons un peu.

S36. — Transcendance pliysique, corporelle, du miracle. — Ce point est délicat entre tous, parce qu’il implique une conception ferme de la « nature ii, et de la connaissance que nous en avons. (On dirait, en termes techniques : une cosmologie, une critique.)

Deux conceptions contraires de la a nature », du monde matériel où s’inscrit, par hypothèse, le signe miraculeux, rendraient tout à fait vaine, si l’on admettait l’une ou l’autre, une enquête sur la transcendance physique de l’événement. Dans la première de ces conceptions, bien battue en brèche auprès des penseurs contemporains, mais longtemps prépondérante et dans les termes de laquelle on a essayé parfois, très imprudemment, de délinir le miracle, tout signe sensible de ce genre est impossihle. Dans la seconde conception, antithèse de la première, et formulée en réaction contre elle, le miracle est im’évifiahle.

La conception strictement déterministe ou « scientiste » (appellation barbare d’une doctrine qui ne l’est pas moins) ramenait le monde à un système d’interactions purement mécaniques, soumettait tous les agents naturels à des " lois » infrangibles, connues sur le mode géométrique. Il n’y aurait d’activité dans l’univers que celle qui procède par séries de déclenchements nécessaires, dont le rythme complexe peut bien parfois nous dérouter ou nous échapper, mais dont toute contingence, toute souplesse, toute intervention libre quelconque est exclue (( priori. Il est trop clair que, dans cette hypothèse, une apparence même de libre choix n’est qu’une illusion née d’une survivance spiritualiste.

Les penseurs et les savants qui ont fait triompher ce qu’on est convenu d’appeler la philosophie nouvelle, MM. Emile Iîoutroux, William James, Rudolf EucKEN. Henri PoiNCARK, Pierre Duhrm, Henri Bergson, ont montré quelle part d’imagination et d’arbitraire viciait le système rigide du monisme matérialiste ou, pour mieux dire, sur quelle équivoque énorme était bâti cet édilice. On érigeait en lois universelles et certaines de toute réalité un ensemble de règles approximatives, permettant à l’homme de se représenter et d’utiliser une partie (et la moindre en importance, la partie matérielle) du réel total ! X la l)ase des conceptions scientiliqucs. ces penseurs ont constaté le choix humain conventionnel et libre. Ils ont montré que le i< fait scienlilique » n’exprimait de ce qui est qu’une portion, encore choisie et schématisée ; que les « lois de la nature » avaient pour base des postulats et des approximations ; que le psychique et le spirituel, loin de se régler par les manières d’agir de la matière ou de s’y résorber, débordaient celle-ci de toute part et, loin de s’expliquer par elle, 1 expliquaient seuls en lui donnant un sens. Ils ont ainsi restitué à « la nature », c’est-à-dire à l’image

ordonnée que nous nous faisons du monde sensible, une indétermination, uneeontingence, une souplesse qui laisse, aux libertés spirituelles, toute possibilité d’intervention’.

S37. — Mais à pousser trop loin la réaction, quelques personnes ont fini par réduire toute notre connaissance des objets naturels, toute notre science de la nature et de ses lois, à des inductions, à des recettes, à lies conjectures plus ou moins fondées, à des probabilités bonnes seulement pour guider notre action pratique. On arrive ainsi, par une erreur contraire à celle du « mécaniste », concevant tonte réalité sur le modèle des agents purement matériels, bruts et mécaniques, à concevoir /oH^e rcV/Z/Ve sur le modèle des êtres libres et spirituels, indéterminés, à elTets imprévisibles^. Mais c’est là une exagération et une erreur. Le point de départ des inductions établissant les lois scientifiques, s’il est conventionnel, n’est pas arbitraire : s’il est étroit, n’est pas imaginaire. Des manières d’être, et par conséiiuent d’agir, du monde matériel, il exprime une partie seulement, mais une partie certaine, donnant lieu à des prévisions assurées. La réussite de la science le montre tous les jours. La critique fondée du déterminisme scientifique n’implique donc nullement une imprévisibilité totale, qui rendrait illusoire, par coulre-coup, tout essai de constatation du miracle,

338. — Dieu, qui a fait le monde matériel en vue et pour le service îles êtres spirituels, a imposé aux agents physiques une nature, une essence, un certain degré de plénitude et d’activité déterminés, intelligibles, s’exprimant par des elTets constants : cette uniformité donne prise aux prévisions certaines qui fondent l’utilisation du monde matériel par l’être intelligent, capable de discerner et de formuler en

« lois » ces manières d’agir identiques. L’empire

exercé ainsi par l’homme sur la nature, tout incomplet et précaire ((u’il soit, montre qu’on ne trouve pas chez les agents matériels l’indétermination qui appartient aux substances siiirituelles. Il est vrai qu’une fois formulées les « lois de la nature », les suites régulières et, d’elles-mêmes, infaillibles d’antécédents et de conséquents restent subordonnées, en une certaine mesure, aux interventions des êtres libres. Mais ces interventions, loin d’abolir, ou de

1. « L’explication mécaniste ne consiste qu’en images… les images qui soutiennent la Ihéorie niécanisto intéiessenl moins la structure propre de la science que In psychologie du savant… Bref, ce sont des sclièmes commodes, d’une commodité relative à l’individu qui les manie »… Plus généralement, ces conceptions rigides, » réduisant ce qu’il y a d’.^bjeclif et de solide dans la science à un système d’équations dilTérentielles », ne sont que des

« hypothèses issues de l’imagination et qui ne sont que

pour l’imagination ». Les « lois » coti(, -ues dans cette liypothèse « ne sont plus immédiatement liées aux données de fait, elles ne peuvent plus être posées comme des réalités objectives ». C’est ainsi que M. L. lïnu.NscHvicc, résumela philosophie scientiBque d’IIenri PomcAUK (tout à fait d’accord sur ce point avec celle des autres penseurs cités) : L*Olùirre d’ilrnri Poincarc, dans le Numéro siécial de la Itrvite de mefnp/it/.iitjne et de morale consacré à Henri Poincaré, Paris, novembre’.), p. 501-593. Il va sans dire ([u’en soulignant la victoire de la « philosophie nouvelle » sur l’épais déterminisme du <’scientisme », nous ne prétendons pas, pour autant, approuverla partie consliuctive, diverse d’ailleurs selon les auteurs, de la

« philosophie nouvelle)>.

2. Cette exagération o été surtout le fait di’M. Kd. Lk Roy, qui s’est vu contraint en conséquence ii renoncer, dans la question du miracle, à l’éléinent traditionnel de transcendance. Voir les.-titnaUs de t^hilosophle chrétienne fie 190fi, et l’édition revue, amendée, mais encore indéfendable, donnée par l’auteur de sa Ihése, dans le llulletin de la Société française de Philosophie, ilù mars lt)l2.