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JÉSUS CHRIST

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El encore : Idoles et j)euj)les idolâtres,

Venez plaider voire cause,

dit labvé ;

Produisez ^os preuves,

dit le roi de Jacob.

Qu’ih approchent ei qtiih nous prédisent

ce qui arrivera !

Le passé, comment Vont-tls prédit.

Sous l ejraminerons !

Ou l’avenir, i/u’ils nous l annoncent,

Nous eu verrons l’issue.’Annoncez ce qui sera plus tard

et nous saurons que vous êtes des dieux ! Allons, bien ou mal, faites quelque chose

el nous pourrons nous mesurer.

Kh bien, tous n’êtes rien,

et votre œuvre est néant :

a ! >oininahle celui qui vous choisit’.

231. — L’atlribuldivinquilondele signe delà prophétie est très nettement exprimé dans ces paroles : si Dieu peut annoncer l’avenir, c’est qu’il est éternel. Possédant comme tel, dans la plénitude de son Etre, toute perfection réelle, il échappe à tout ce qui passe, devient, dure, à tout potentiel, à toute vicissitude, à tout /ieri. Pour lui, tout ce qui, selon notre manière de parler, « sera « , est déjà. Un homme (je reprends la comparaison de saint’Phomas, n’en connaissant pas de meilleure pour nous suggérer une idée telle quelle du mystère impénétrable, mais rationnellement certain, de l’éternité divine), un homme placé sur une montagne et observant une armée en marclie dans la plaine, voit d’un seul coup d’oeil, sur la route qui se déroule à ses pieds, ceux qui ont passé, ceux qui passent, ceux qui passeront. Cependant, l’observateur cheminant dans la plaine, et faisant partie d’un des bataillons, a déjà perdu de vue les premiers et ignore tout des derniers. Ainsi Dieu, inliniment élevé au-dessus du flux temporel qui nous porte en nous entraînant, voit ce qui a été, ce qui est, ce qui (pour nous) sera. « Il nomme ce qui n’est pas [encore] comme ce qui est » (Rom., iv, 17) et, puisqu’il le voit et le nomme, il peut le dire ou, par des images appropriées aux conditions mentales de l’instrument humain, le montrer à un mandataire choisi. Si Dieu le fait, ce sera un cas de « prophétie «  au sens spécilique du mot et, du même coup, le sceau du divin imprimé sur la mission du prophète. A certaines conditions pourtant, qu’il importe de préciser.

233. — Notons d’abord que des prérogatives moins élevées, mais du même ordre, telle que la vision à distance, la lecture des pensées et des sentiments intimes, sont comme l’aube du jour prophétique, et inclinent puissamment à reconnaître, cliez celui qui les possède habituellement, la réalité du don divin. Il reste que le signe probant, parfait, se résume dans la prédiction de l’avenir. Si nous cherchons les trois éléments signalés i)lus haut, dont le faisceau constitue l’armature du signe, nous verrons que toute la complication gît dans la constatation du premier clément : insuflisance des causes naturelles à expliquer la pré<liction. S’agil-il d’événements dépendant d’une cause Hece.’ !.’a(>(’, par exemple d’une éclipse ou d’une grande marée, la prédiction n’aura de merveilleux que l’apparence, tout comme, en matière de guérison, la prédiction d’un effet suivant l’application d’un spécilique inconnu du vulgaire. S’agil-il d’événements provenant de causes libres, ei par conséquent naturellement imprévisibles, on exigera

1. Isaïr, XL, 2-2’. ; IIU., p, - : 47-2’19.

encore que la prédiction ne soilpas ambiguë, jusliliable en tout état de cause, à la façon de maint oracle antique. Elle ne devra pas être probable et conjecturale (ce qui peut fort bien s’accorder avec des déclarations de forme catégorique). Car une assurance provenant de convictions fermes tend naturellement à s’exprimer par des affirmations nettes. » Mes garants [dans ce que je prédis] ne sont pas, déclarait le réformateur écossais John Knox’, les merveilles de Merlin ni aussi les sentences obscures de prophéties profanes. Mais d’abord la simple vérité de la parole de Dieu, ensuite la justice invincible du Dieu éternel, et enfin le cours ordinaire des châtiments et fléaux qu’il envoie, tel qu’il apparaît depuis les origines : voilâmes garants et assurances, n On peut assimiler à ce cas les événements politiques et sociaux dont l’annonce positive ne dépasse pas la divination d’esprits pénétrants et expérimentés : plusieurs prédictions de Joseph de Maislre et de Frédéric Le Play se sont réalisées de la sorte. On n’appelle pas, pour autant, ces hommes éminents des prophètes.

233. — Avant de tirer argument d’une prophétie accom/)//e qusque-là elle a besoin d’être autorisée, loin d’autoriser celui qui l’a faite), nous exigerons donc que le tableau soit assez déterminé, assez en dehors des probabilités sérieuses, dépende d’un jeu assez complexe de volontés libres pour qu’une simple prévision n’ait aucune chance de tomber juste. Cette exigence n’implique nullement que Dieu révèle (par un prodige inouï et d’ailleurs inutile) toutes les conditions de vie, les habitudes mentales complètes de l’époque à venir présentée dans un de ses détails à l’œil spirituel du voyant. Un tel dépaysement réduirait celui-ci au rôle d’un instrument passif. Tant s’en faut : continuant de parler sa langue, imprimant à ses prédictions le caractère de sa race, la couleur de son temps, de la culture littéraire qu’il a reçue, et de son génie propre, le prophète est le héraut d’un message, non le transmetteur automatique d’une leçon 2.

234. — C’est la lin religieuse de ce message qui mesure l’étendue et détermine le caractère des visions. Il peut donc arriver que la ritilisation — comportant parfois des étapes distinctes, séparées par des laps de temps considérables — d’un même dessein providentiel, se présente sous des images en continuité, donnant lieu à des prédictions enchaînées et faisant abstraction des interA-alles. Ces prédictions se mouleront naturellement dans les formes littéraires reçues en pareille matière. De là vient souvent l’apparence énigmatique et l’obscurité du langage des prophètes : les faits seuls, tout en justifiant l’inspiration du héraut, interpréteront du même coup le sens détaille de son message. Il serait aussi puéril de s’en tenir obstinément à la lettre des images que d’exiger certaines précisions tout à fait étrangères au but religieux du signe.

B) Le Miracle

233. —. le considérer commesigne, le miracle est un événement sensible extraordinaire qui, dans les entours concrets où il se produit — tant par la force surhumaine qui s’y révèle que par son excellence spirituelle — engage la sagesse et la puissance de Dieu.

Fait sensible, au moins dans ses conséquences : la patience héroïque d’un martyr peut devenir manifeste par ses efTets, tout comme le miraculeux pouvoir

1. J’emprunte ce trait au Prof. A. B. Daviusos, Prophrcy and Propliets, dans le Dictionary of the Bible de J. IlBstin^s, IV, 1002, p. 121, A, note.

2. S. Tiio.Ms, Humma T/ieologica, II » II », q. 1T3, art. 4.