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JEANNE (LA PAPESSE)

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C. Blasco, Diatriha Je Joanna popissa sii-e de ejiis fabulæ origine, Naples, 1778, et de A. -F. Gfroerer, Geschiclite der ost- und westfrùnkischen Carulinger vom Tode l.ud » ig’s der Frominen his ziim Eiide Conrad s I (SiU-i)tH), Fribourg-en-Brisgau, iS^S, t. 1, p. îSS-igi*, voyant dans la légende une allégorie satirique contre l’origine des Fausses dt-crétales. Cf. Doellinger, p. 4-5 ; Haas, Kirclietilexikon, trad. I. Goscliler, sous le titre de Dictionnaire encyclopédique de la lltéologie catholique, 3= édit., Paris, 1870, t. Xll, p. 20D-206.

i. Citons, pour mémoire, l’opinion de Josepli-Marie Suarès, évêque de Vaison, rapportée par Th. Raynaud, Disseitatio de sobria alteriiis sexiis frequentatione per sacros et religiosos lioniines. Lyon, iGG3, p. 465 : Pierre de Corbière, qui devint frère mineur, et antipape sous le nom de Nicolas V (iSiS), avait été marié à une Jeanne, qui fut appelée la papesse Jeanne quand Pierre prélendit èlre pape. Là serait l’origine de la légende. La supposition est fausse, puisque la légende avait cours dès avant 1328.

5. D’après Baronius, Annales eccles., ad an. 853, n" 71, et ad an. 87g, n" 5, la conduite du pape Jean VlU à l’égard de Pliotius lui aurait valu une telle réputation de mollesse qu’on l’aurait qualitié de papesse par moquerie ; dans la suite, ce sobriquet aurait été pris au sens propre du mol, et la légende en aurait résulté. Le cardinal Mai, dans P. G., t. Cil, col. 380, J. Hergenroellier, Pliotius, Ratisbonne, 1868, t. II, p. 395, et C.-J. vonllefele, Conciliengeschichte, -ié(H., Fribourg-en-Brisgau, 1879, t. IV, p. 458, ont vu assez malencontreusement une conlirraationde cette hypothèse dans le fait que Photius, De S. Spiritus mystagugia, c. Lxxxix, P. G., t. Cil, col. 380, appelle Jean VllI une <t àuie virile » ; ce serait un signe que Photius éprouva le besoin de venger la renommée d’un pape qui lui avait été favorable et qui avait été taxé de manque d’énergie. Le P… Lapôtre, /.’Europe et le Saint-Siège à l’époque carolingienne, I. f.e pape Jean VIII, Paris, 1896, a montré que la conjecture de Baronius est sans fondement, que, loin d’avoir produit l’impression d’un homme lâche et efféminé, Jean VIIF passa pour un pape extraordinairement actif et énergique, et qu’il le fut, cf. p. 35g362, 36 ;.

6". L’opinion, mentionnée par H.-G.Wouters, Dissertationes in selecta historiæ ecclesiaslicæ capita, Louvain, 1870, t. III, p. 158, et qui substitue àJean VIU le pape Jean VII, lequel se serait attiré le sobriquet de papesse pour sa pusillanimité dans l’affaire du concile in TruUo (692), n’est pas moins dépourvue de base.

7. Egalement insoutenable est l’opinion accréditée parleP.Secclii : la légende serait une invention calomnieuse des Grecs inspirée par Photius. Cette historiette a eu peu d’écho parmi les Grecs : le seul écrivain grec qui l’admette, cf. J.-.. Fabricius, Bihliotheca græca, 2"^ édit., Hambourg, 1808, t. XI, p. 470, est, avec Laonic Chalcondyle, — vers 1464, le moine Barlaam de Serainara, ~ vers 1348, dans son n-.pi Tr ; rri Ux-x ipxf, ; , P. G., t. CLI, col. 1274.

/)) Explications probables. — /. Dans son De Romano Pontifice,. III, c. xxiv, Bellarmina éraisune hypothèse ingénieuse, qui ne sullirait pas à expliquer la légende, mais qui peut indicpier un des éléments de sa formation. Ecrivant à Michel Cérulaire, patriarclie de Constantinople.le pape Léon IX(io54), P. /,., t. CXLIU, col. 760, lit allusion, pour la repousser, à une rumeur d’après la(iuelle une femme aurait occupé le siège patriarcal de Constantinople ; Léon iX. tout en déclarant ne pas y croire, observait que l’usage de promouvoir, contre les canons

des eunuques au patriarcat rendait la chose possible. De cette lettre nous pouvons d’abord conclure que, en io54, la légende de la papesse ne circulait pas encore ; autrement, les Grecs auraient en beau jeu à la riposte. Mais, en oulre, il est possible que le conte de la femme-patriarche ait amené le conte de la femme-pape, le bruit qu’une femme avait été pontife subsistant sans qu’on précisât que c’était de Constantinople et le titre de pontife œcuménique revendiqué par les patriarches de Constanlinoi)le ayant pu favoriser la confusion entre Constantinople et Rome. Cf. Lapôtre, l.e pape Jean VlU, p, 365, et E. Bernheim, Zur Sage der Pdpstin Juhanna, dans Deutsche Zeitschrift f’iir Geschichlsivissenschaft, Fribourg-en-Brisgau, 1890, t. III, p. 4’o. Bernheim a appelé l’attention sur un texte du x= siècle, le Chronicon Salernitanum, c.^lvi, dam^ Mon. Germ.hist. Script., 1. lll, p.481, qui contient l’historiette de la femme-patriarche de Constantinople, avec la circonstance du démon dévoilant la fraude. . son tour, le P. Lapôtre découvre, dans la fable de la femme-patriarche, le « germe r> de la légende de la papesse ; les textes sur les papes du x « siècle et le monument dont nous allons parler auraient « achevé l’œuvre et nourri de détails ce qui n’était encore qu’une fable confuse et maigre », p. 363, 365. Nous n’oserions aller jusque-là. Bornons-nous à dire qu’il se peut que la légende constantinopolitaine ait contribué à l’élaboration de la légende romaine.

2. L’explication qui suit, non exclusive d’ailleurs de la précédente, est de beaucoup pluâ, vraisemblable.

Ce fut une triste époque, dans ce haut moyen âge où l’Eglise connut tant d’épreuves, que celle qui va de 900 à g72 et pendant laquelle le souverain pontificat fut comme la chose de la maison de Théophylacle.

Trois femmes, Théodora, épouse de Théoph ylacte, et ses deux filles, Marozie et Théodora, tinrent la papauté sous leur dépendance. Quatre papes du nom de Jean, Jean X, 7 gsg, Jean XI, -J- gSô, Jean Xll, ~ 964, Jean XIII, -7 972, figurent parmi les papes de ce temps. Ces quatre papes et ces trois femmes laissèrent un souvenir pénible, et discréditèrent la papauté. On comprend que la légende de la papesfe Jeanne soit venue de là. Le dicton ; « Nous avons des femmes pour papes se présentait naturellement à la bouche. Benoilde Saint-.

dré au mont Soracte, dans

une œuvre très répandue au moyen âge — et qui fournit des matériaux à Martin Polonus, — dit qu’à l’avènement de Jean XI Rome tomba au pouvoir d’une femme (.Marozie) et fut gouvernée [lar elle, sub/ugatus est liomam potestative in monu femiiie, Chronicon, c. xxx. dans Mon. Germ. hisl. Script., t. III, p. 714, « -^ bii seul, un pareil document eût peut-être sufii à faire nailre l’idée d’une femme ayant réellement occupé le Saint-Siège, à créer la légende i>, el à donner à cette femme le nom de Jeanne, car la femme dont parle Benoit de Saint.^ndré et dont il n’indique pas le nom « étant donnée par lui comme la parente de Jean XI — c’était sa mère,

— il était tout naturel que la parente de Johannes se nommât /o/ian/in « , Lapôtre, p. 366, 367. Plus encore que Jean XI, Jean Xll, le moins recommandable des papes du nom de Jean, a pu concourir à la genèse de la légende. Il fut déposé par un concile, tenu à Saint-Pierre de Rome, en présence et sous le patronagede l’empereur Olhon, et remplacé par Léon Vlll. Une fois Othon parti, Jean XII reparut, et un concile du Latran, réuni par ses soins, condamna Léon VIII et ses adhérents. Jean XII étant mort (14 >"ai 964). les Romains, ne tenant pascompte de Léon VIII, désignèrent pour le souverain pontificat Benoit V.Danshi