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JEANNE D’ARC

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H. — La mission de Jeanne d’Ara : le signe et l’appel d’en haut ; les Voix

Première apparition. — Dans sa treizième année, par un beau jour d’été, Jeannette « à l’heure de midi, dans le jardin de son père, aperçut du côté de l’église une grande clarté et entendit une voix. La première fois, elle eut grand’peur. Et cette voix venait de Dieu pour l’aider à se bien conduire ». Et elle ne savait pas que c’était la voix de saint Michel.

Une autre fois, mais non dans le jardin de son père, file entendit la même voix, et l’archange lui apparut, environné d’une troupe d’anges, au sein d’une grande clarté. « Je les ai vus des yeux de mon corps, assurait la jeune vierge à ses juges de Kouen, aussi bien que je vous vois. Et quand ils s’en allaient, je pleurais, et j’aurais bîen voulu qu’ils me prissent avec eux. » (Procès, t. I, p. 62, 72, ^3, 1691 72.)

A l’une des apparitions suivantes, Jeanne apprit que cet être radieux, à la physionomie d’un « vrai lirudhorame », qui se montrait à elle, était le glorieux archange saint Michel. Elle ne put douter que ce fût lui, car il se nomma à elle (Ibid., p. 274)- En même temps, saint Michel apprit à la pieuse enfant que « sainte Catherine et sainte Marguerite viendraient aussi. Elle aurait bien soin de suivre leur conseil ; car ces saintes étaient chargées de la conduire et de la conseiller sur ce qu’elle aurait à faire. Elle devrait croire ce qu’elles lui diraient : c’était par commandement de Notre-Seigneur » (Ibid., p. 170).

Ces saintes apparurent, en effet, peu après, à la petite Jeanne. « Leur tête était parée de belles, de riches, de précieuses couronnes. » Comme l’archange saint Michel, " elles se nommèrent à elle. Elles avaient un très beau et très bon langage. Leur voix était douce et tendre, et la langue qu’elles parlaient était le français » (Ihid., p. 72, 86).

A. partir de ce moment, la future libératrice d’Orléans ne cessa d’être visitée par ses saintes protectrices et par l’ange que l’Eglise nomme « le Prince de la milice céleste ». Ces trois habitants du ciel formeront durant la vie entière de Jeanne ce qu’elle appellera son célkste conseil. Saint Michel sera son conseiller supérieur et extraordinaire. Sainte Catherine et sainte Marguerite resteront ses conseillères habituelles et ses directrices quotidiennes. C’est ce conseil d’en haut qui prendra le goinernenient de la jeune vierge et qui l’assistera dans les conjonctures difTieiles. a Voilà plus de sept ans, disait-elle à Rouen, que mes saintes ont entrepris de me gouverner. » (Ibid., p. 72.).Vussi pourra-t-elle ajouter qu’elle « n’a rien fait que par révélation » (Ibid., p.51). Du reste, ses saintes protectrices répondirent toujours à son appel. Elles venaient parfois sans que Jeanne les appelât. Quand elles ne venaient pas, elle priait Notre-Seigneur de les envoyer. « Jamais, disait-elle, je n’ai eu besoin d’elles, qu’elles ne soient venues. » (Ibid., p. 127.) Comment eussent-elles délaissé l’enfant qu’elles appelaient Fille de Dieu, Fille de l’Eglise, Fille au grand cœur », et à qui elles promettaient le paradis ? (/fciV., p. 130.)

Saint Michel lui recommanda principalement de se bien conduire, de fréquenter l’église, d’être bonne et pieuse enfant ; que Dieu l’aiderait. — Et il lui enseigna tant de bonnes choses que Jeannette crut qu’il était bien l’ange de Dieu. « Les bons conseils, le confort, la bonne doctrine qu’elle ne cessa d’en recevoir le lui disaient clairement. » (Procès, t. l, p. 169, 170, i-j/i.)

Dès que la (ille de Jacques d’Arc fut persuadée que ses voix venaient de Dieu, elle fit vœu de virginité. Elle pouvait dire : « Mes voix m’ont toujours bien

gardée et je les ai toujours bien comprises. » (Ibid., p. 62.) A quel moment le céleste archange commença-t-il à lui raconter la pitié qui était au royaume de France », on ne peut que le conjecturer. Quelle que soit l’époque où la voix dit à Jeanne, qu’il fallait qu’elle vint en France, c’est vraisemblablement après la prise de Rambouillet par le due de Belhford en 1427, et celle de Laval par Talbot en mars 1428, qu’elle le lui dit deux ou trois fois par semaine.

Un jour, le langage de l’archange ne lui permit plus d’hésiter. Saint Michel lui commanda expressément

« d’aller à Vaucouleurs trouver le capitaine de

la place, Robert de Baudricourt ; qu’il lui donnerait des gens pour la mener au Uoi. — Mais, répondit Jeanne, je ne suis ciu’une pauvre fille, ne sachant chevaucher comme les hommes d’armes et guerroyer.

— X’importe ; va, reprit la voix. »

Jeanne à Vaucouleurs. — Sur ces entrefaites, un cousin par alliance, Durand Laxart, qui demeurait à Burey-le-Petit, non loin de la chàtellenie, vint demander au père de Jeanne d’emmener sa fille chez lui. Confiante en la discrétion de Laxart, Jeanne lui découvrit son secret, a Il fallait, lui dit-elle, qu’elle se rendit en France auprès du Dauphin pour le faire couronner. N’avait-on pas dit, d’ailleurs, que la France serait perdue par une femme et qu’une femme ensuite la sauverait’? » C’est pourquoi elle priait Laxart de la mener à Robert de Baudricourt, afin que ce capitaine la fît conduire au Dauphin (Procès,

t. ii, p. 444).

Laxart condescendit à la prière de Jeanne ; lui-même l’accompagna à’Vaucouleurs. C’était vers le 1 3 mai, fête de l’Ascension. Jeanne parut devant Baudricourt et lui exposa sa requête a de la part de son Seigneur ». — a Quel est celui que tu appelles ton Seigneur ? demanda le capitaine. — Le roi du ciel, répondit Jeanne. — Cette fille est folle, dit Baudricourt. Et s’adressant à Laxart : ce que vous avez de mieux à faire, c’est de la ramener à son père. »

Jeanne revint à Domremy. Elle ne fut ni surprise de son insuccès, car ses voix l’avaient prévenue, ni découragée. Elle avait même reconnu le capitaine au milieu de ses hommes d’armes, quoique rien ne le distinguât et qu’elle ne l’eût jamais vu. Découragée, elle l’était si peu que, !e 23 juin suivant, elle disait à un garçon du village, Michel Lebuin : « Sais-tu bien qu’entre Coussey et Vaucouleurs, il y a une jeune fille qui mènera sacrer le roi à Reims ? » (Procès, t. II, p. 44".) Ses voix le lui avaient donc appris. Quand le siège d’Orléans aura commencé, saint Michel lui dira qu’elle le fera lever. Cela ne tarda pas, puisque les Anglais arrivaient le 12 octobre de cette année sous les murs de la cité orléanaise. Dès que la nouvelle en fut parvenue à Domrenij-, les voix de la jeune vierge redoublèrent leurs instances. Deux, trois fois jiar semaine, elles lui disaient qu’il lui l’allait quitter son village et aller en France. Jeannette en vint à

« ne plus durer où elle était ». Son père eut beau lui

parler mariage, elle n’en voulut à aucun prix. Un jeune homme, épris d’elle, la cita devant l’ofiicialité de Toul, sous le prétexte qu’elle lui avait promis sa main. Jeanne comparut, prouva qu’elle n’avait rien promis et gagna sa cause.

Elle était plus préoccupée du moyen de tenter une démarche nouvelle auprès du capitaine Batidricourt. Le moyen, c’est encore Durand Laxart qui le lui fournit. Jeanne parut de nouveau devant Baudricourt avec une robe tout usée. Elle lui demanda derechef de la faire conduire au Dauphin. Baudricourt ne l’écouta pas plus que la première fois.

Confiante au succès final de sa requête, la Pucelle ne voulut pas quitter Vaucouleurs. Ses voix lui