Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/593

Cette page n’a pas encore été corrigée

1173

JANSENISME

1174

Arxauld esl à leur tête. Pendant un exil de quinze années, il continue de diriger le parti : des Pays-15as ou de Hollande, il jette au public maints éciits anonymes, celui entre autres dont il est le plus content et dont il espère le plus, le Phaniome du Jansénisme, dans lequel il prétend établir que, puisque personne ne soutient les propositions condamnées et qu’il n’est nullement défendu de discuter si elles se trouvent dans Jansénius, le prétendu Jansénisme n’est ni plus ni moins qu’un fantôme. Dans ce libelle, les conditions de la paix sont, une l’ois de plus, remises en cause et expliquées, la chose va sans dire, d’une favon favorable aux amis d’.Vrnauld (Phaniome du Jansénisme un J, isli/ication des prétendus Jansénistes, Cologne. 168C, Arnauld, Of : nres. t. XXV, p. i). Tandis qu’il défend les siens sur le terrain du droit et plus encore sur celui du fait, le vieux lutteur s’en prend à leurs irréconciliables ennemis, les Jésuites (t. Ill-Vlll de /.a Morale pratique, lôSg-iCgô, Abnauld, Œutres, t. XXXll-XXXV). C’est en les combattant qu’il meurt à Bruxelles, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, laissant à QiBSXEi. la direction de la secte. Sous l’impulsion de celui-ci, plus active et plus intrigante, le Jansénisme qui n’a jamais, à vrai dire, cessé de croître et de travailler, se répandra de plus en plus ; il achèvera de conquérir l’opinion publique, au point de pouvoir, à la mort de Louis XIV. se jeter dans l’opposition violente.

Dans les dernières années du xvn’siècle, les débats renaissent : c’est la troisième période, celle du Quesnellisnie, durant laquelle on agite à nouveau la question de droit et la question de fait : la question de droit par les lié/Jexions morales, contre lesquelles Clkment XI donnera la bulle l’nigcnitus (i^13) ; la question de fait par le Cas de conscience, qui provoque la constitution Vineam Doniini (i-oô) .V. Les Rkflexions mor.^i.rs (1668-1692) et le Problème KCCLiisiASTiQUE (1699). — L’ouvragc fameux que sont les 7ïe/7e.r(on, ’ ; mora/es. l’oratorien ou depuis 1684 l’ex-oratorien Qiesnel mit vingt-cinq ans à le composer. Il est malaisé d’en écrire l’histoire, tant il se présente sous des titres et des dimensions diverses, dans des éditions multiples : iGOS, Les Paroles de la Parole incarnée J.-C..V.-5., tirées du Aouicaa Testament, in-24 ; i&’ji,.4hrégé de la Morale de l’Evangile ou Pensées chrétiennes sur le texte des IV Eang les, un volume in- 12 ; puis en 16-g, avec le même titre, trois volumes in-12, que complète, en 1687, VAlirégé de la Morale des Actes, des Epilres et de r Apocalypse, deux volumes in-12 ; sous les dates de 1692, 169.3, 16gl ou 16yô, l’édition en quatre gros volumes in-8°, portant l’intitulé définitif : Le .outeau Testament en français mec des Reflexions morales sur chaque i’erset ; en 1699, nouvelle édition ou réimpression avec les corrections de M. de .Noaillcs, ainsi qu’en i"02et 1 ~o5 ; en 172- et de nouveau en 1736, huit volumes in-12. C’est l’édition la plus complète, et l’oiivrage, depuis lors, n’a pas été réimprimé. Enfin, outre de nombreux extraits sous des formes ingénieuses et variées, il y eut au moins une traduction latine : Cumpendium Moralis E^angelicr, Actuum, Epistolarum et Apocahpseos. L’énumération est longue, et néanmoins dans cette liste, tous les tirages ne sont pas indiqués (Mailvailt, Béperloire de Port-Lloral, p. 226, art. Réflexions morales).

Ce qu’on peut dire, c’est que le livre, ébauché depuis 1668, n’atteint que vers 1698 son développement complet. Il y a donc loin du petit in-21 de 1O68 ou de l’unique in-12 de 1651 — la seule impression qu’ait approuvée Vialart, l’évêque de Cliâlons — aux quatre in-8’compacts de iCgS — les quatre frères — ou

aux huit in-12 de i "2- et 1^36. Pourtant, dans les premières éditions presque autant que dans les suivantes, le Jansénisme est répandu avec une affectation marquée, tout habilement déguisé qu’il esl sous les couleurs de la piété..V cause de ces dissimulations, on a écrit qu’il n’y avait là qu’un Jansénisme adouci, qui ressemble de très loin au Jansénisme grotesque des cinq propositions : ce n’en est pas moins le Jansénisme, et il porte les traits caractéristiques de cette hérésie. Les Jansénistes ont allirmé de même que, durant quarante ans(16711711), le livre a joui d’une approbation universelle. C’est une exagération manifeste. Toutefois, si nous nous en tenons aux documents dès lors mis aux mains du public, rien ne montre que, de 1671 à 16g8, on ait aperçu des erreurs dans le ^Voiænu Testament ou qu’on ail osé les lui reprocher. De la part des gens bien intentionnés, tant de crédit ne s’explique guère que par l’apparente beauté de l’ouvrage, l’adresse avec laquelle l’auteur enveloppe son système, l’engouement qui régnait alors pour les volumes de dévotion publics par ces Messieurs, enfin par l’autorité des prélats sous le patronage desquels ce commentaire paraissait. En outre, il se rencontra évidemment des prôneurs sans conviction. Malgré cela, cependant, le venin n’échappait pas à tous les yeux : en 16g3, on dénonçait secrètement les Réflexions morales au Saint-Ollice, et, en lOg^, un docteur de Sorbonne, Fromageau, en extrayait deux cents propositions qu’il jugeait censurables. En même temps, il est vrai, Louis-Antoine de Noaillks, encore évêque de Chàlons, les approuvait solennellement (23 juin iGgS) : mais, monté sur le siège de Paris (août-novembre iCgS), il refusait de renouveler son approbation, sans la supprimer toutefois et sans cesser de protéger le livre. Il crut se laver du soupçon de Jansénisme, en condamnant l’Exposition de la foi catholique du second abbé de Saint-Cyran, M. de Barcos, par une ordonnance datée du 20 août 16g6. à laquelle Bossikt eut beaucoup de part ; mais l’expédient r’-.issit mal. Bien plus, il provoqua le Prohlcme eccléfiiistique, cette brochure de 24 pages, dans laquelle on demandait qui l’on devait croire, de Xoailles, évoque de t : hàlons approuvant le Jansénisme dans les Referions morales, ou du même Xoailles, archevêque de Paris, le réprouvant dans l’Exposition de la foi (fin 1698). Le prélat piqué s’en prit aux Jésuites, mais à tort. Il parait bien que le coupable était plutôt du parti. Celait probablement D. Hilarion Monnier, un bénédictin de Saint- Vannes, aidé peut-être par D.Thierry de Viaixnes et l’un ou l’autre de ses confrères (Vacant. Renseignements inédits sur l’auteur du Problème ecclésiastique. Paris, 1890).

Xoailles s’occupa, dès lors, de corriger l’ouvrage de Quesnel, et. sur sa demande. Bossuet y travailla avec d’autres théologiens. Ce fut sansdoute en vue de cette édition expurgée que M. de Meaux prépara un Avertissement, retrouvé plus tard dans ses papiers. Mais le travail de correction aboutit imparfaitement : les Quesnellistes ne se prêtèrent pas aux changements demandés, el l’Avertissement demeura inédit (169g). Onze ans plus lard, en i-so, ils s’avisèrent de le publier, le métamorphosant, pour le besoin de leur* cause, en une Justification des Reflexions morales sur le y’ouveau Testament. C’est ainsi que la question de droit était à nouveau débattue. En même temps, au milieu d’un cliassé-croisé de libelles que se renvoient, de part et d’autre. Jansénistes et catholiques, l’.Assemblée du clergé de 1700 censure et qualifie, sur un rapport de Bossuet, quatre propositions sur le Jansénisme et cent vingt-trois sur la morale relâchée (4 septembre).