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JANSENISME

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système, mais ils le proposaient d’une manière enveloppée et dans des termes ambigus. De Jansénius et lie son livre ils ne souillaient plus mol, mais ils parlaient sans cesse de saint Augustin, de saint Thomas et de sa grâce elTicace par elle-même, de la doctrine catholique mise en péril par une machination des raolinistes. Malgré tant d’elTorts, ils ne réussirent pas à traîner indéfiniment les clioses en longueur, et le jugement fut enfin rendu [Histoire des cinq propositions, t. I, liv. I, p. C8 et suiv. ; t. III, i"’et 2 Eclaircissements, en confirmant par D. TuLifLLiER, Histoire de la constitution L’nigenitus (Ms), l. I, p. 208-210 (Bibliotb. Nation., Ms. fr. 17731).

— H.J1.VIS, Mcrnoires, 1. 1 et II, liv. iv-viii. — Bouk/.eis (..bbé uk), Propositiones de gratia. —’Brevissima ijninqtie propositioriiim in iarios sensiis distinctio ou flislinction abrégée des cinq propositions].

B. La question de fait. Son premier temps : LB F.UT DB Janskxius quillet 1653-29 sept. 1654). — La bulle reçue en France quillet 1653), les Jansénistes se soumettent, mais, à eu juger par leurs lettres secrètes plutôt que par leurs écrits publics, leur soumission n’est qu’extérieure. Passant, en apparence du moins, condamnation sur le point de droit, et admettant que les propositions, dans leur sens propre, sont légitimement censurées, ils se retranchent dans la question de fait. C’est de leur part une évasion habile, préparée d’ailleurs par leur précédent changement d’attitude ; elle leur permet d’éluder, sans révolte ouverte, la décision de l’Eglise. Leur nouvelle position est celle-ci : par la manière dont elle parle de Jansénius et de son livre, la Constitution donne à entendre que les propositions sont tirées de VAugustinus. Or, d’une part, la 1* proposition, la seule qu’on trouve mot à mot dans l’ouvrage — ce qui est exact, nous l’avons vu, — n’a pas, étant prise en elle-même, le sens qu’elle présente dans l’endroit d’où on l’a extraite ; d’autre part, on ne rencontre dans le livre aucun texte dont le sens naturel se confonde avec le sens des cinq propositions prises en elles-mêmes. Tout en se soumettant, et en admettant le bien fondé de la condamnation, si on considère les propositions en elles-mêmes, ils ne peuvent reconnaître ni qu’elles sont de Jansénius, ni qu’elles ont été condamnées dans le sens de Jansénius. D’après eux, ce sens est celui de la grâce eflieace par ellemcme, nécessaire à tout bien. Ainsi cette doctrine, qui est celle de saint Augustin et de l’école de saint Thomas, combat seulement la grâce sullisante de Molina, mais non pas celle des Thomistes. Leurs adversaires insistaient à l’encontre, et leur rappelaient qu’avant 1601 ou 1652, alors que la dispute roulait sur la qualité des propositions et non pas sur leur sens, ils avouaient que ce sens propre et naturel était celui de Jansénius.

Néanmoins, le déplacement de la controverse ne laissait pas d’être erabariassant : en efïet, ces termes mêmes de fait ou de sens de Jansénius claienl équivoques. Us pouvaient signifier, soit le sens exprimé dans l’ouvrage de Jansénius considéré en lui-même et sans égard à la pensée qu’avait, en le composant, l’évêque d’Ypres (attribution de la doctrine des propositions au texte du livre : sens objectif de Jansénius), soit le sens qu’avait dans l’esprit l’auteur lorsqu’il écrivait, et qu’il cherchait à rendre dans son texte (attribution delà doctrine des propositions à Jansénius lui-même : sens subjectif de Jansénius ou son intention personnelle). Entre ces deux acceptions, les Jansénistes, consciemment ou non, ne distinguaient pas, et c’était là, dans les discussions, une cause perpétuelle de confusions. D’autant plus qu’à Rome, l’expression de question de fait était

généralement restreinte à la dernière des deux acceptions, la première étant regardée comme question de droit, tandis qu’en France, spécialement dans l’usage de ceux du parti, l’une et l’autre étaient indistinctement traitées de question de fait.

Pour couper court à l’évasion, les évêques assemblés à Paris déclarent (28 mars 1654) que, par la bulle Cum occasione, les cinq propositions ont été censurées comme étant de Jansénius et dans le sens de Jansénius. Leur déclaration est confirmée par un bref d’iNNOCENT X (29 septembre). En France, la décision est respectueusement accueillie, etla Sorbonne s’y conforme dans son jugement sur la Seconde lettre de M. Arnauld à un duc et pair (31 janvier 1656).

Ce jugement est, dans l’histoire du Jansénisme, un événement. En effet, dans les diseussions sur le droit et sur le fait, Arnauld a donné le branle et tenu le premier rang. Dès le temps des dénonciations de Cornet, il avait crié qu’on en voulait à la doctrine de suint Augustin et il s’était dressé pour la défendre (Considérations sur l’entreprise de M. Cornet. 16^9, Apologie pour les SS. Pères de l’Eglise…, 1651. Arnauld, OKuvres, t. XIX, p. I et t. XVIII, p. 1). En 1655, il publie deux lettres, l’une « une personne de condition (24 février), l’autre (10 juillet) à un duc et pair Ç Lettre à une personne de condition sur cequi s’est passe… et’Seconde lettre à un duc et pair de France pour servir de réponse… Œuvres, t. XIX, p. 3 Il et 335). La seconde d’entre elles, la plus fameuse, met en cause le fait et le droit, et, en dépit de protestations multiples, tend à rétablir la doctrine proscrite par Rome. On en tire deux propositions, la première dite de droit, la deuxième de fait, qui sont déférées à la Sorbonne et, après trois mois de contestations, censurées. Arnauld se défend vigoureusement, trois ou quatre opuscules au moins en font foi [Dictionnaire des Jansénistes, art. Arnauld (Antoine), c. 266-67], et il est soutenu par les soi-disant disciples de saint Augustin. Il n’en est pas moins condamné, mais il refuse de souscrire au jugement rendu et est, avec nombre d’autres qui l’imitent dans son refus opiniâtre, exclu de la Faculté.

C. Intervention de Pascal : Les Provinci.^lbs (23 janv. 1656-24 mars 1657). — C’est alors que l’intervention de Pascal change les affaires. Dans ses Petites lettres, il tourne en plaisanterie les débats de la Sorbonne sur les propositions d’Arnauld et la censure qui en est faite. Ce sont les quatre premières Provinciales, après lesquelles l’auteur, s’en prenant à la morale des Jésuites, laisse de côté le Jansénisme proprement dit. Il n’y revient que dans la 17’et la 18’sur la question défait, par où il prétend justifier les Jansénistes. Dans les douze autres, il attaque le relâchement des casuistes. C’est en somme une digression, ou plus exactement une diversion adroite, la morale des Jésuites et les Jésuites eux-mêmes n’étant point directement en cause dans la lettre d’Arnauld et les cinq propositions. A prendre ainsi rigoureusement les choses, Pascal a quitté la question. Toutefois le parti considérait les Jésuites comme les adversaires qui, entre tous, s’opposaient au progrès de ses idées tliéologiques ; il estimait donc qu’abattre les Jésuites ou ruiner leur influence, c’était encore travailler au triomphe de sa doctrine. En outre, la diffusion de la morale sévère, toujours chère aux Jansénistes, entrait, au même titre que les thèses de VAugustinus, dans le programme de réforme concerté dès le début entre Jansénius et Saint-Cyran. C’est ce que montreraient bien les lièglemenis et instructions de Messieurs les disciples de saint Augustin de l’union, extraits par le P. Uapin des registres du Saint-Office et rapportés