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INVESTITURES (QUERELLE DES)

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l’investiture. — Solutions de la querelle des investitures en France et en Angleterre. — Solution de la querelle dans te Saint Empire. — Bibliographie.

Notion de l’investiture. — Très usité dans la langue courante du ix= au xii" siècle, le terme iViiestire signitie « mettre en possession » et s’applique à tout ce qui peut être possédé. Quiconque vend, donne, restitue une propriété déclare s’en dessaisir (se exire, guerpire, devestire) et en faire la remise (vestitura) au nouveau propriétaire. Du bien cédé non en propriété mais en bénélice ou en précaire, le bénéficier ou précariste est dit lui aussi « investi » (testitus).

Presque toujours une cérémonie symbolique exprime la traililion du bien. Il est représenté par un objet quelconque, couteau (culleltus). gant (maiiica), morceau de bois (festiicu), dont le bailleur fait livraison matérielle à celui qu’il investit. Souvent ce gage est en rapport avec la nature du bien cédé. Ainsi une jiropriété foncière sera figurée par une touffe de gazon arrachée de terre (cespes), un arbuste qu’on remet sur place aux mains du nouveau détenteur. A cette époque où la plupart des églises rurales sont tenues pour une propriété j>rivée, le don ou la vente d’une de ces églises s’exprime ainsi : les deux parties se rendent dans l’église, l’ancien propriétaire en fait ouvrir la porte par le nouveau (lestitus per ostium, per ctaves, postes), et enroule autour de ses mains la corde de la cloche (per signum, per corda signi hærentia).

Origines de l’investiture laïque. — Conformément à ces habitudes, tout jiropriétaire d’église, quand il en accorde la jouissance bénéficiaire à un clerc ou à un laïque, l’en investit par une cérémonie symbolique. Le grand propriétaire cède en bénéfice l’église de son domaine à un clerc qu’il a fait ordonner par l’évêque diocésain ; de cette église dont il devient le desservant, le clerc reçoit investiture des mains du propriétaire laïque. Cet usage fut aussi étendu, au cours des ix » et x’siècles par les rois et dès la fin du x" siècle par certains seigneurs usurpateurs des droits régaliens, aux évèchés et aux abbayes dont ils se considéraient comme propriétaires.

Au ix’siècle, les évêehés sont en fait sous le haut domaine (dominium) du roi. La charge pastorale n’est pas distinguée du temporel dont la libéralité des rois et des fidèles a enrichi les églises épiscopales. Outre des biens fonciers très étendus dont une part provient du fisc royal, le patrimoine ecclésiastique comprend des droits de douane, de marché, de monnayage, de justice, des chàteau.x, territoires, parfois le comté de la cité épiscopale, qui sont des droits régaliens (regalia), cédés par le souverain à l’église. En vertu de l’immunité qui soustrait les domaines ecclésiastiques à toute ingérence des agents royaux, l’évêque en est le seul administrateur et ne relève que du roi. Un évoque a donc, au point de vue temporel, une autorité égale à celle d’un comte ou d’un gran<l seigneur. Aussi le roi considère l’évêelié comme un honneur (honor), un bénéfice (hene/icium), analogue aux comtés et bénéfices qu’il accorde à ses fidèles.

En raison de la richesse, de l’influence sociale et religieuse des évê<iues, et parce que le roi est le principal bienfaiteur des églises, le pouvoir royal s’arrogea le droit de disposer des évèchés. Passant outre aux règles canoniques qui prescrivent une libre élection par le clergé et le peuple, le roi nomme le plus souvent directement l’évêque. Quand il a i>ermis une libre élection, elle n’est souvent qu’un

simulacre, l’assemblée électorale se contentant d’approuver le choix du roi. Celui-ci remet à l’élu l’évêché qui, pendant la vacance, est resté en ses mains, a été administré par lui et dont il percevait les revenus.

De même au ix* siècle, les monastères exempts de l’autorité épiscopale sont dits monastères royaux et sont tenus pour propriété du roi. Il les donne en bénéfice à des fidèles, souvent à des laïques, au mépi-is des règles prescrivant l’élection de l’abbé par la comumnauté des religieux. Quand il autorise l’éleclion, c’est encore lui qui donne l’abbaye au moine élu.

Le souverain s’étant ainsi saisi du haut domaine des évèchés et abbayes et du droit d’en disposer à son gré, en fit tradition suivant les formes usitées pour la cession à titre de bénéfice d’un bien quelconque. L’évêque ou l’abbé fut mis en possession de son évèché ou de son abbaye comme il l’eût été d’un bénéfice ordinaire, par la remise d’un objet symbolique. Le coUateur île l’évèché investit le nouvel évêque par la crosse et l’anneau. Ces insignes sacrés, que d’autre part l’évêque recevait à son sacre des mains du |u-élat consécrateur, furent le signe matériel représentant l’évèché dans la cérémonie d’investiture laïque. Peut-être cette formalité apparut-elle déjà au IX’siècle. Elle devint sans doute d’usage courant seulement au cours du x=. Au xi’siècle, l’investiture laïque est usitée dans tous les pays chrétiens. L’empereur dans les pajs d’Empire (Germanie, Lorraine, royaume de Bourgogne et de Provence, Italie du Nord), le roi de France dans le domaine capétien et hors du domaine dans quelques régions du royaume, les seigneurs locaux dans d’autres régions fi-ançaises, les rois normands en Angleterre et en Normandie, investissent par la crosse et l’anneau les évêques régulièrement élus ou plus souvent désignés par eux.

Conséquences de l’investiture laïque. — Le fait que l’investiture de l’évèché est donnée par des emblèmes sacrés, la crosse et l’anneau, n’est que secondaire, encore que plus tard les réformistes aient eu beau jeu de montrer le caractère sacrilège de cette cérémonie. L’abus le plus grave, c’est qu’un laïque maître de l’évèché en fasse le don que symbolise la tradition des insignes sacrés. Par là est supprimée en fait l’élection, seul mode régulier que les canons aient jusqu’alors prévu pour la désignation des évêques. C’en est fait aussi du contrôle exercé par l’épiscopat sur le choix des nouveaux prélats. L’archevêque de la province est tenu d’obéir au roi qui lui envoie l’ordre de sacrer le clerc à qui il a donné investiture de l’évèché. A supposer qu’une élection régulière ait eu lieu, le métropolitain ne peut procéder à la consécration avant que le roi ait, de son plein gré, consenti à investir l’élu et à permettre de le sacrer. L’investiture supprime donc toutes les garanties prévues par les canons pour que de dignes évêques président aux églises. Le souci de la charge pastorale s’éclipse devant les préoccupations séculières. Au lieu de voir d’abord en la personne de l’évêque le chef d’une église et le pasteur d’un troupeau, le souverain laïque aperçoit surtout en lui le détenteur d’un lot considérable de domaines, d’une importante seigneurie, et se [)réoccupe avant tout de procurer l’évèché à un fidèle serviteur.

L’investiture laïque engendre d’autres abus, dont le plus criant est la simonie. Les rois, les seigneurs propriétaires d’évècliés en firent souvent trafic. Il ne manqua pas de clercs, appartenant à de riches familles, pi’êtsàacheter un évèché, des abbayes. Les rois et seigneurs sont bien aise d’avoir une occa-