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INTÉRÊT (PRÊT A)

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inlcrêls, cette pratique, tout en étant qualiliée de lionteuse, n’est forniellenient interdite qu’au clergé. Et l’in terdictlon est rréqueniinent renouvelée. L’Eglise grecque n’a même jamais poussé plus loin sa rigueur. L’on cite parfois, comme dirigé contre les laïques, le can. 20 d’Elvire (30D-306). Mais il est d’une authenticité douteuse.

w_ Au moyen âge, l’interdiction devient absolue. Gha’TiKM prétend mettre en évidence que tout prolitajouté au capital doit être traité d’usuraire, et, à ce titre, d’universellement défendu (^ic/Hm Grattant suh q. 3, Cniisæ / ! ’, inilio. et siih c. 4 ; et sub q.’i eiusdein Causae). Les décrélales d’.-VLEXANDHK III (iiSg-iiSi) et d’LÏRBAiN III (m85-118’ ;) réprouvent la demande d’intérêts au nom de la Sainte Ecriture, et ordonnent la restitution de ce gain honteux. Cf. par ex. les c. a, 5, 9, 9, 10, 13 du t. XIX du 1. V). Alexandre Ul, c. Saper eo, 0. 4> h- t., ajoute même qu’il ne possède aucun pouvoir de dispense. Ueui conciles généraux, le Ul’de Latran (i l’jg) et le II" de Lyon (127O condamnent ceux qui font profession de prêter à intérêt. Le concile de Vienne enfin (1311) enjoint de punir comme hérétique celui qui s’obstinerait à nier que la pratique de l’usure (exercere asuras) soit condamnable (C. El ^ruvi, unie. Clem. de nsuris, V, v). D’autres lois canoniques répriment les usures palliées ou dissimulées. Pourtant, les Juifs ont bénélicié assez longtemps d’une certaine tolérance ou impunité pour leurs pratiques usuraires. Mais Innocent III (1 ig8-i 216), c. l’ô de iisuris, V, xix, et S. Louis, Statuts, n. a3 de ceux qui furent lus au concile de Béziers de 1255 (Mansi, t. XXIII, 88a), les soumirent au droit commun.

Toute sévère qu’elle fût dans ses expressions, la législation canonique suppose constamment des intérêts ruineux, accablants pour les pauvres ; elle ne dit pas expressément que toutintérèt soit contraire à la justice : et c’est à peine si l’on y trouve une trace de ce que plus tard l’on a appelé les titres ou raisons extrinsèques qui léjrltiment un intérêt modéré.

Les formules générales et rigoureuses qui contiennent la doctrine du prêt à intérêt datent des théologiens scolastiques et des canonistes. Leur enseignement se ramène à ces quelques points : le prêt de consommation, comme tel, ne justilie aucune stipulation d’intérêts ; exigées a ce titre, la justice condamne <le pareilles clauses. Des raisons accidentelles, tenant à la situation spéciale et bien réelle, soit du créancier, soit du débiteur, admettent un intérêt qui les compense. Mais il est d’autres contrats, la constitution de rente, le contrat de société, qui offrent à l’argent même des placements honnêtes et fructueux.

Doctrine de S. Tiio.mas et de DunsScot, de Molina, de Lbssius et de de Lugo, d’une part, et, d’autre part. d’HBNBi d’Ostik, de I’abbé de Palehme, de Pirhinc, de Rbii’fensïuel, de Schmalzgrueber, etc., elle exprime solennellement la pensée de l’Eglise. A la suite d’un prêt de 4 "/o, conclu par la cité de Vérone, et d’un écrit qui, tout en s’insurgeant contre les idées reçues, était dédié à Benoit XIV jvar un ami, ce grand Pape se détermina à faire du prêt à intérêt un examen approfondi. Il s’entoura de toutes les lumières de la théologie ; puis, après mûre délibération, il adressa aux évêques d’Italie sa célèbre encyclique Vir pervenit, du 1" novembre 1745. Aux termes d’une réponse du S. Ollice, qui ne remonte qu’au 29 juillet 1836, la doctrine de ce document regarde l’Eglise universelle. Elle se résume en cinq points.

Le premier délinit le péché d’usure ; et déclare qu’il a son siège propre dans le prêt de consommation. Il se commet par ([uiconque s’assure, à raison de ce seul prêt, un avantage économique ajouté au remboursement du capital. Le second point écarte

diverses exceptions ou excuses : la modicité du taux ; la situation aisée de l’emprunteur ; l’emploi fructueux qu’il fera de l’avance. Le troisième et le quatrième point concèdent des intérêts compensatoires pour des raisons extrinsèques. En outre, l’on y reconnaît qu’il est bien des emplois rémunérateurs de l’argent, qu’aucune morale ne saurait condamner. Néanmoins, le cinquième point conteste que l’on puisse partir de cette facilité pour s’autoriser à réclamer, en tout cas, un intérêt raisonnable ; car les occasions de profits honnêtes ne se présentent pas toujours, et la charité nous oblige souvent à faire des prêts gratuits.

Tandis que l’on codifiait de la sorte la théologie du prêt de consommation, les événements suivaient leur cours. A partir du xvi" siècle, les principes rigides sont battus en brèche, d’abord par des hérétiques du parti de Calvin, car Luther réprouvait le prêt à intérêt ; puis, par des catholiques : tel le célèbre Scipion Maffei, l’ami de Benoit XIV, dont nous, avons cité l’ouvrage. Des institutions charitables de crédit, tels les monts-de-piété, obtiennent par privilège d’accorder un certain intérêt ; les coutumes ou les lois civiles de plusieurs contrées allemandes (car la France résistera au courant jusqu’au décret du 1-12 octobre 178g) inclinent à la tolérance ; les affaires, prennent un essor inouï. Telle est la poussée, que, par l’organe de la Pénitencerie et du S. Otlice, le S. Siège en vient à des déclarations de plus en i)lus nettes qui enlèvent tout scrupule aux préteurs d’aujourd’hui. Nous ne disons pas aux usuriers. Car nos langues modernes distinguent entre l’intérêt et l’usure, le Zins und M’ucher, et cette distinction de mots et de concepts implique celle de deux réalités.

Ces déclarations s’étendent de 1830 à 189g. Nous les énumérons à leur date :

Réponses du.V. Office, 18 aotit 1830 ; 31 août 1831 ;. 17 janv. 1838 ; 26 mars 1840 ; ^8 fév. 187a ; 4 juill. 1883 ; 7 av. 1886.

Réponses de la 5. Pénitencerie : 16 sept. 1830 ;  : 14 août 1831 ; Il nov. 1831 ; Il févr. 183a ; 18 av. 1889. El voyez aussi l’instruction de la S. Congr. de la Propagande, qui contient ces réponses et en déduit les corollaires. Elle est datée de 1878, et se^ trouve dans les Coltectanea delaPropagand€, n.iilo, I" éd. ; n. 1393, 2* éd. Les trois dernières réponses se trouvent ihidem, n. 2141, 2142, 2143, i" éd. ; n. 1701 et 1702, a* éd. La rép. du 7 avril 1886. qui condamnait certain taux comme excessif, n’est pas reproduite dans la 2* édition.

II. Explication. — L’exacte présentation des faits en abrège et facilite l’explication.

Rappelons les griefs faits à l’Eglise. On lui reproche de se contredire, d’entraver le progrès, de déserter la cause du petit peuple.

D’abord, l’Eglise s’est-elle vraiment rétractée ? Son indulgence actuelle est-elle inconciliable avec sa sévérité de jadis ?

En aucune façon. Les applications ont pu varier ;  : la doctrine est restée la même. El cette doctrine a pour fondement un principe séculaire de justice contractuelle : l’égalité des prestations. Dans un contrat’conimutatif, pour connaître ce que vous pouvez recevoir, voyez ce que vous donnez. Que donnez-vous en prêtant de l’argent ou des denrées qui se consomment par l’usage ? Une certaine somme, une certainequantité de choses. De ce chef, vous avez droit à recevoir autant en retour. En outre, pour toute la duréedu prêt, l’argent ou les choses prêtées ne sont plus à votre disposition ; vous en avez cédé la possession à autrui. Est-ce là une raison pour stipuler des intérêts ? Oui, si une valeur économique est attachée à la possession actuelle de l’argent. Quelle sera cette-