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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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ooUaboration avec des écoles normales catholiques et lies maisons de famille bien dirigées, une bonne l)réparation technique et la sauvegarde de leur foi clirétienne. Et ceci m’amène au second point de vue sous lequel peuvent être considérées nos universités.

d) Les nniversités catholiques considérées comme les écoles normales supérieures de l’enseignement libre. — Après les facultés de médecine et de droit, la première pensée des évéques fondateurs allait à celles des lettres et des sciences. Ou,

— ce fut le cas de Paris et de Lille, — ils en créèrent dès le début en méiue temps que la faculté de droit, ou, — ainsi à Angers, à Lyon, à Toulouse, — ils n’attendirent pas plus d’un, de deux ou de trois ans. Evidemment, dans leur pensée, ces facultés pouvaient servir aux jeunes gens du monde désireux de compléter, de couronner par des études plus élevées et par la licence leurs études secondaires. Mais, en fait, et cela se conçoit, ils avaient surtout en vue, — si on laisse de côté les cours publics et d’apparat qui étaient alors l’apanage des facultés des lettres, — de pourvoir à la préparation de bons professeurs, munis du grade de licenciés, pour les collèges libres. Déjà, depuis longtemps, l’Ecole des Carmes, à Paris, l’Ecole des Chartreux, à Lyon, et, depuis 1871, l’Ecole Saint-Aubin, à Mongazon, puis à Angers, tendaient à cette lin ; mais ou, comme à l’Ecole des Carmes, on dépendait étroitement de l’enseignement universitaire, ou l’on devait se contenter de peu de maîtres et de peu de cours. Cependant l’enseignement supérieur de l’Etat marchait à une transformation toute professionnelle ; par les cours fermés, par les maîtrises de conférences, voire par le caractère plus scientifique, plus technique, des cours publics, les facultés oflîcielles devenaient peu à peu de vraies écoles préparatoires ; grâce aux avantages qu’on leur promettait, grâce à l’institution des boursiers, les candidats aux grades et aux fonctions universitaires se multipliaient ; bientôt le moindre collège municipal allait être, du haut en bas, pourvu de licenciés ; il devenait urgent d’assurer à ceux qui aspiraient aux chaires de l’enseignement secondaire libre une formation égale et des titres égaux ; c’est ce qu’ont fait nos instituts catholiques. Les chiffres qui suivent donneront l’idée du travail accompli : de l’origine à novembre 1912, l’Institut catholique de Paris a produit 1.212 licenciés es lettres, 40 docteurs et 36 agrégés ; celui d’Angers, 35a licenciés et 22 docleurs ; celui de Lyon, S^g licenciés, 9 docteurs et 9 agrégés ; celui de Toulouse, 28a licenciés, 12 docteurs et 2 agrégés ; pour les sciences, je relève, à Paris, 177 licences, et, après la réforme de 1897, 555 cerlilicats dont 3 constituent une licence, 10 doctorats, I agrégation ; à Angers, 98 licences, 205 certificats, II doctorats ; à Lyon, 79 licences, 3^5 certificats, 7 doctorats ; à Toulouse, 81 licences, 3 doctorats, I agrégation. Depuis que, par une mesure inique, l’agrégation a été interdite aux ecclésiastiques, beaucoup ont du moins obtenu l’un ou l’autre des diplômes d’études supérieures, qui forment comme l’échelon intermédiaire entre la licence et l’agrégation. C’est assez dire que, dans ces trente-quatre dernières années, les universités catholiques, en jetant dans lacirculationde 3. 000 à 4-000 licenciés es lettres ou es sciences, ont infusé un sang nouveau à nos collèges. Ajoutons qu’elles ont institué, dans leur ressort, des concours généraux entre tous les établissements libres qui veulent s’y prêter et des inspections régulières qui ont beaucoup coiitril)ué à relever le niveau des études. Enfin de très bons esprits, dans les derniers congrès de V Alliance des maisons d’éducation chrétienne, ont réclamé la création d’une agrégation

de l’enseignement secondaire libre, ce qui agrandirait encore notre champ d’action et l’importance de notre tâche.

I’) Formation d’une élite intellectuelle dans le clergé. — C’est déjà <|uclque chose que d’avoir travaillé de la sorte pour le clergé enseignant de nos collèges. L’opinion catholique cependant attendait encore plus de nous ; elle souhaitait un clergé qui, dans son ensemble et surtout dans son élite, fût plus instruit, plus éclairé, plus au courant des problèmes de son temps et des solutions qu’ils réclament. Nos pères de 1830 avaient pu croire qu’il n’y avait entre eux qu’un malentendu politique issu de la Révolution et qu’un certain libéralisme suffirait à les réconcilier ; de là les tentatives libérales au sein même du catholicisme. En réalité, deux doctrines étaient en présence, d’où devaient sortir peu à peu deux formes différentes de civilisation, deux façons de concevoir le développement intellectuel et social ; les idées qu’aujourd’hui on qualifie de laïques sont aux antipodes de la tradition catholique et de l’esprit chrétien. Si l’on veut que vivent cette tradition et cet esprit, il faut que ceux qui les représentent comprennent et égalent ceux qui les attaquent. A s’isoler de la culture générale contemporaine, le savoir ecclésiastique courrait le plus grand des périls ; apanage de quelques individus, il serait pour le reste des hommes une langue morte et demeurerait sans la moindre action sur la pensée, bientôt par conséquent sur la vie. Donc il faut que, dans le clergé, tous ceux qui sont susceptibles de recevoir cette culture supérieure la reçoivent et il faut qu’ils la reçoivent vcritableinenl supérieure ; il faut que leurs éludes soient spéciales, approfondies, s’altachant aux questions fondamentales, et conduites d’après les vraies méthodes critiques et scientifiques. Mais, d’autre part, il faut que ces éludes soient dirigées de telle façon, et que cette initiation aux méthodes critiques et scientifiques s’opère de telle sorte que la foi des ecclésiastiques ne soit pas compromise ; autrement, ils seraient eux-mêmes entraînés, ce qui, hélas ! s’est vu quelquefois. Et c’est pourquoi cette culture supérieure doit être donnée dans les universités catholiques par des maîtres qui aient l’esprit chrétien, une foi intégrale, et en même temps l’expérience des méthodes qui sont les bonnes. A ce devoir non plus, nos instituts n’ont pas manqué ; des centaines et des centaines d’ecclésiastiques se sont succédé sur leurs bancs depuis trente-huit ans. Je ne donnerai qu’un signe de la transformation accomplie : la valeur reconnue des travaux sortis du clergé. Il a, comme le fait très justement remarquer Mgr BatitTol, dans son livre si suggestif. Questions d’enseignement supérieur ecclésiastique, presque conquis le département des études d’histoire de l’Eglise : « Quand, il y a vingt ou trente ans, un vaillant éditeur entreprit à Toulouse la refonte de cette Histoire du Languedoc qu’avaient rédigée les Bénédictins de jadis, pas un seul membre du clergé ne figura parmi les collaborateurs nouveaux, tandis qu’à l’heure présente, nous pouvons tenter nous-mêmes la refonte du Gallia Cliristiana des Bénédictins. » De même dans l’exégèse, la philosophie, les sciences sociales, l’histoire des religions.

« Les phénomènes religieux, écrivait, il y a

peu d’années, un de nos adversaires, M. Ferdinand Lot, dans les Caliiers de la i/uinzaine, ont une importance tellement capitale dans la vie passée et actuelle des sociétés, qu’on ne comprend vraiment pas <lu’on laisse au clergé (en province au moins) le monopole de ces études. Ce n’est pas avec des plaisanteries et des articles de journaux qu’on leur disputera les jeunes intelligences. Il faudrait des hommes