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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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surtout occupé de tout ce qui a trait à la piété et à la formation religieuse des patronnés, le congrès de Paris, suivant en cela les indications données par M. Maignen, prêta une particulière attention aux questions professionnelles (placement en apprentissage, choix d’un état, signature duconlratet législation de l’apprentissage). Ainsi donc ces deux assemblées se sont heureusement comi)létées : au contact de l’abbé Timon-David et des élèves de l’abbé Allemand, les œuvres parisiennes ont acquis une nouvelle ferveur chrétienne, et, en retour, celles-ci ont montré aux directeurs de province ce que l’on pouvait et devait faire, au point de vue du « métier », pour les jeunes apprentis. Malheureusement ces congrès, si féconds, furent brusquement interrompus : ils ne devaient être repris que onze ans plus lard, grâce à l’intervention de Mgr de Ségur, qui, dès le début, les avait patronnés, mais qui, plus tard, en élargit considérablement les cadres : ce furent les assemblées de l’Union des associations otn’rières catholiques.

Les dernières années du second Empire furent d’ailleurs marquées, pour les patronages, par un arrêt très net. La raison peut en être trouvée dans la vive hostilité que le gouvernement impérial manifesta alors à l’égard des conférences de Saint-Vincent de Paul ; il avait même prononcé la dissolution du conseil général de cette Société qui était le principal appui et l’agent le plus actif des œuvres de jeunesse.

Les patronages de garçons appelaient comme complément indispensable les patronages de jeunes lilles.

Les catholiques de France le comprirent, et, au milieu du siècle dernier, M. de Melun, qui avait eu l’idée des œuvres de jeunesse pour les élèves des Frères, conçut le projet de créer pareille institution pour les enfants des Sœurs. Il s’ouvrit de son dessein à M. l’abbé de la Bouillerie, alors vicaire général de Paris. Celui-ci, séduit par la proposition de son ami, accepta de convoquer une réunion de dames charitables dans le salon de sa mère, alin de permettre à M. de Melun d’exposer les grandes lignes de l’œuvre à créer, et, en même temps, de recruter des collaborateurs. La réunion eut lieu, le 3 février iS.^i, avec 1 un plein succès.

Mais il fallait exécuter les résolutions prises : ce fut la Sœur Rosalie, de grande et populaire mémoire, qui eut le mérite d’employer toutes ces bonnes volontés. Dans la délicate étude biographique que M. de Melun lui a consacrée, il a exposé en détail comment l’admirable Fille de la Charité comprenait la formation des enfants du peuple et comment elle sut réaliser l’idée des patronages de jeunes ouvrières, (vicomte DE Mblun, Vie de la Sœur Rosalie, Fille de la Charité, p. 69 et sq.).

La Sœur Rosalie ne se laissa arrêter par aucune difliculté : L’œuvre est bonne, dit-elle la première fois qu’on lui en parla ; Dieu la fera réussir, et nous commencerons dimanche prochain. » Pendant la semaine, son admirable activité prépara tout. Le dimanche suivant, dans le préau et dans la cour de la maison de la rue de l’Epée-de-Bois.une vingtaine de jeunes lilles du peuple étaient réunies. On leur distribua des livrets sur lesquels les patronnes devaient inscrire les notes de la conduite et du travail de la semaine. Des dames zélées prirent l’adresse de leurs parents et de leurs ateliers, leur promettant une prochaine visite et îles récompenses à la fin du trimestre. La séance se termina par des jeux, des rondes et le chant de cantiques auquel prirent part toutes les Sœurs de la maison.

Le premier patronage de jeunes filles venait donc de s’ourrir : l’idée lancée par des apùtrci de la charité

chrétienne et favorablement accueillie, quelques jours auparavant, dans les salons de M. de la Bouillerie, était devenue une réalité. L’œuvre devait se développer rapidement : dans les dernières années du second Empire, soit à Paris, soit dans la banlieue, les i>alronages étaient au nombre de soixante-quinze et réunissaient bien près de neuf mille jeunes lilles : on était loin des vingt débutantes de la rue de l’Epéede-Bois !


Le développement des (fitiTes de jeunesse durant le dernier quart du.V/.V « siècle. — Avec l’œuvre marseillaise de l’abbé Allemand, nous avons assisté à la naissance, au xix" siècle, des « œuvres de jeunesse », héritières des œuvres de l’Ancien Régime ; et, partant de ces modestes origines, rencontrant heureusement sur notre roule la jeune et active Société de Saint-Vincent de Paul, puis les patronages de jeunes lilles dus à l’initiative de M. de Melun et de la Sa^ur Rosalie, nous avons suivi, pas à pas, jusqu’à la fin du second Empire, le développement de cet apostolat de l’enfance et de la jeunesse ouvrières qui s’est fait généralement alors en dehors des cadres ofliciels de la hiérarchie catholique.

Durant le dernier quart du xix’siècle, ce développement a été très rapide, très puissant : il s’est produit, en outre, non seulement, comme jadis, avec l’approbation tacite des autorités ecclésiastiques, mais, de plus en plus, avec leur appui effectif et public.

Deux ou trois chiffres sullironl à montrer les progrès réalisés par les œuvres de patronage depuis les dernières années de Napoléon 111. Nous les emprunterons à deux documents quasi officiels : l’Annuaire des Œuvres de jeunesse, publié en 1866, ete Rapport sur l’enquête entreprise en igoo par la Commission centrale des patronages à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris’. Sans doute, beaucoup d’œuvres ont négligé de se faire inscrire, aussi bien en igoo qu’en 1866 ; mais, néanmoins, par leur différence très considérable, ces chiffres d’ensemble, si insulUsants soient-ils, peuvent donner une idée des résultats obtenus. Ces résultats sont remarquables : en 1866, V.innuaire mentionne 155 patronages ou œuvres de jeunesse tandis que l’enquête de 1900 accuse l’existence de 4. 1 68 patronages (pour les garçons, 2.351 ; pour les filles, 1.817).

Ainsi donc, dans le dernier quart du xix’siècle, les patronages ont i>rogressé, dans des proportions considérables, dans les campagnes comme dans les villes. Il ne sera pas sans intérêt de rechercher les principales causes de ce remarquable développement qui constitue un des traits caractéristiques de l’histoire de l’Eglise en France, à la lin du siècle dernier.

Au lendemain de la guerre de iS’po, et surtout après la sévère leçon de la Commune, les catholiques de France sentirent plus que jamais la nécessité de l’action. C’est alors que prennent naissance ou bien se développent de très nondjreuses œuvres sociales etreligieuses, comme lescerclescatholiques d’ouvriers ou la société Saint-François de Sales : le sang des otages fut vraiment une semence d’apôtres. Les congrès se multiplient, notamment ceux de l’Union des Associations ouvrières et les Assemblées des calho 1. L’Exposition de 1900 nous aura valu des renseignements d’ensemble sui- les œuvres de jeunesse en France, que l’on avait jusqu’alors vainement essayé de réunir. Un comité s’était constitué sous la présidence de Mgr Péclienard, avec l’approbation de S. Em. le cardinal Uicliard, en vue d’organiser la participation des œuvres catholiques à l’Exposition. Le comité ouvrit dans toute la France une enquête et. à cet effet, lança plus de 40.000 lettres-circulaire.

«. Les résultats de cette enquête ont été publiés.

(Cf. E. EDtE, L’Egliæ et les Œuires sociales, Paris, 1901.)