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FOI, FIDÉISME

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implique notamment un juste sentiment de la distinction entre la foi d’hommage et la foi tle pure science, entre la foi qui se rend à la seule valeur évidente du témoig^nage et celle qui se rend à la dignité du témoin, à son autorité. Mais l’auteur suppose à tort que cette seconde espèce de foi est incompatible avec l'évidence des raisons de croire et c’est ce qui l’amène à expliquer la foi comme une intuition du cœur, qui « n’a pas besoin de démonstration pour adliérerà la vérité ».

(Quelques théologiens, comme Lugo, semblent ramener le procédé psychologique de notre foi à cette foi de science dont parle le critique ; ils admettent, en conséquence, que » s’il y avait de si évidentes raisons de croire qu’il n’y eût plus la moindre place au doute », l’acte de foi proprement dite, acte libre et surnaturel, serait impossible. Ils n’admettent pas cependant que nous croyions sans raison sullisante (j’entends sans raison d’ordre intellectuel, les seules dont il soit ici question). Us font appel, pour concilier la certitude de la crédibilité avec la liberté de la foi, à des considérati<ms ingénieuses qui, si elles ne prouvent pas que leur explication soit la bonne, sullisent, si elle est bonne par ailleurs, à la justiQer apologétiquement. Ils distinguent, par exemple, entre les certitudes d'évidence jiarfaite et les certitudes d'évidence imparfaite. Us accordent que les premières sont irrésistibles ; ils le nient pour les autres, parce qu’il faut un elfort, soit pour se mettre en face des raisons, qui ne se présentent pas du premier coup à l’esprit, soit pour percevoir la valeur des raisons et écarter les dillicultés qui troubleraient la lucidité de la vision intellectuelle. Tout le monde n’admet pas cette ex])lication ; elle paraît cependant fondée en bonne psychologie : je ne puis pas douter que deux et deux fassent quatre ; mais je puis, tout en m'étant donné un jour l'évidence de l’immortalité de l'àme, et tout en pouvant l>ar un vigoureux effort me la donner encore, me laisser envahir par le doute — doute inq>rudent, mais doute possible. Aussi le fait est-il admis, par plusieurs, i|ui n’en ont pas besoin pour leur théorie di' la foi. Ils complètent leurs explications en recourant aux conditions spéciales à l’acte de foi surnaturelle, la certitude, l’intervention de la grâce, la libre soumission à Dieu, etc. Et surtout ils mettent tous l’acte de foi dans un domaine à part, celui de l’adhésion absolue à la vérité révélée sur la parole et l’autorité de Dieu. Ainsi, même pour ceux qui donnent de la foi l’explication la plus intellectualiste, celle-ci ne perd jamais son caractère religieux, jamais elle ne devient la « foi laïque », qui n’aurait a rien de commun avec la vertu ». A plus forte raison faut-il dire la même chose dans l’hypothèse de ceux qui distinguent plus nettement encore entre la foi de science, qui serait l’effet direct des motifs de crédibilité, et la foi d’hommage ou d’autorité, où les motifs de crédibilité n’interviennent pas directement pour produire la loi, mais seulement pour présenter l’objet à croire et pour amener la volonté, en lui proposant le bien de croire, à commander l’acte de foi.

Du fait que Pascal ait cru ([ue nous ne pouvons, au moins dans l'état actuel, percevoir sullisamment la valeur rationnelle des motifs de crédibilité, il ne suit pas que ces motifs ne soient pas valables. La grâce ne vient pas leur prêter une valeur qu’ils n’auraient pas. Elle ^ient nous aidera percevoir la valeur qu’ils ont en effet. Pascal lui-même, dans un texte que Sully Prudliorame cite après Mgr Guthlin, montre très bien qu’il tient ces motifs pour valables aux yeux de la saine raison. C’est la sagesse divine qui parle : « Je n’entends pas que vous soumettiez votre créance à moi, sans raison, et ne prétends pas vous

assujettir avec tyrannie. Je ne prétends point aussi vous rendre raison de toutes choses ; et, pour accorder ces contrariétés, j’entends vous faire voir clairement, par des preuves convaincantes, des marques divines en moi qui vous convainquent de ce que je suis, et m’attirent autorité par des merveilles et des preuves que vous ne puissiez refuser ; et qu’ensuite vous croyiez sciemment les choses que je vous enseigne, quand vous ne trouverez aucun sujet de les refuser, sinon que vous ne pouvez pas vous-mêmes connaître si elles sont vraies ou non. » Pensées xii, 5 ; Havet I, 18â. lie ; si elle ne repose que sur des confusions et des idées inexactes, ce n’est pas nous qui l’avons faussée.

C. La science et la foi. — Nous avons d’abord à préciser le sens de la question et le point du débat ; nous entrerons ensuite dans l’examen du conflit ; nous l'étudierons, pour finir, dans un cas concret et précis.

I. f.a question précise. — Théoriquement, la question des rapports entre la raison et la foi est la même que celle des rapports entre la science et la foi. Mais, en pratique, il y a une différence, et, en apologétique, on peut avoir résolu le problème spéculatif des rapports entre la raison et la foi sans avoir du coup répondu aux difficultés sans nombre que soulèe la prétendue opposition entre la foi, avec sa méthode d’autorité, ses dogmes toujours les mêmes, saiixité immuable, et la science toujours en mouvement, avec ses procédés de libre examen et de critique, toujours cherchant et toujours soucieuse d’aller plus loin. En 1898, paraissait à Paris la 9' édition du livre de