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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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giquesdes clercs distingués auxquels ils préposaient des maîtres instruits. Tous y étudiaient au moins les éléments des lettres, et les uns y ajoutaient les chartes et l’art de la guerre ; les autres, quelque chose des sciences sacrées. C’est là que parurent avec le titre de maîtres ou d’archichapelains, le romain Bk-TUAinE, plus tard évêque de Chartres, Rustique de Gahors, Suu’Icb de Bourges, et à titre d’élèves les plus grands noms du temps.

Au VII’siècle, sous les rois fainéants, commence la décadence de l’enseignement. Quelques écoles épiseopales subsistent encore, à Autun avec S. Légeh, (f 678), à Paris avec S. Cehaune (f av. 626), à Bourges, au Mans, à Angers, à Chartres, à Verdun, à Metz, à Noyon, à Clermont, à Issoire, à Gap.

Mais l’école palatine tombe, les écoles presbytérales disparaissent. Un concile condamne un prêtre qui ne sait plus correctement la formule du baptême. Les écoles monastiques elles-mêmes végètent : plusieurs des hommes qui entrent dans les cloîtres le font par dégoût du monde et font peu de cas des études. Les monastères nouveaux fondés par S. Co-I. OMBAN (v. 590), à Annegray, Luxciiil, Fontaine, au début s’applitiuent plus à l’ascétisme cju’aux lettres.

Ce fut une obscurité profonde qui dura du premier quart du vii" siècle au dernier du vin’. Gukgoire dk "Tours, effrayé, s’écriait : « Malheur à nous : car l’étude des lettres a disparu de chez nous. » Il se demandait qui pourrait plus lard raconter l’histoire de son tenq)s à la postérité. Il se disait lui-même sans grammaire, sans rhétorique, sans lettres (Htst. Fr., I, préf.). Il est vrai qu’il écrivait déjà dans un latin bien incorrect : pourtant il exagérait son inhabileté. Dans son jeune âge, sous l’évêque de Clermont, son parent et son maître, ou du moins dans son âge raùr, il avait fréquenté les poètes romains et spécialement’Virgile dont il intercale beaucoup de réminiscences dans ses écrits, et Forlunat avait quelques raisons de vanter son éloquence et son érudition. FoBTCNAT lui-même, élève jadis des écoles de Ravenne, les dernières de l’empire romain en Occident, s’accusait de manquer de poésie et de ne connaître qu’à peine Platon, Aristote, Chrysippe, Pittacus.

« Je n’ai lii, disait-il, ni Ililaire, ni Grégoire, ni Anihroise, 

ni Augustin. » Il exagérait aussi son ignorance, comme le témoignent ses relations poétiques avec S" Kadegonde.

Mais les hommes qui suivirent à partir du second quart du vu’siècle, méritèrent à peu près complètement les reproches que ceux-ci s’inlligeaient avec trop d’humilité. Fbédégaire, le continuateur de Grégoire de Tours, écrit dans un style tout à fait corrompu. Rares sont devenus les chroniqueurs. Les diplômes royaux, les chartes, qui émanaient povirtant de personnages élevés, reflètent l’ignorance générale et ne se rédigent plus en latin classique mais en latin populaire. Le clergé lui-même corrompt la langue sacrée : c’est la transformation progressive, sous l’influence barbare, des langues anciennes dans les langues romanes qui commence.

Quelles furent les causes de cette décadence ? Faut-il en accuser un certain courant ascétique hostile aux études profanes ? II est certain qu’à toutes les époques il se rencontra des esprits qui furent, à certains moments de leur vie, frappés de la frivolité et aussi de l’immoralité des auteurs profanes et en regrettèrent ou même en dissuadèrent la lecture. Saint Augustin disait qu’ils avaient failli lui faire perdre la piété. Au v » siècle, Paulin de Nole, qui les connaissait bien aussi, écrivant à Ausone, taxait de perdu le temps qu’on leur consacrait. Sidoine Apollinaibr rougissiiit de faire un poème nouveau et déclarait la poésie indigne d’un clerc. En.nodius

DE Pavie ne voyait que fables et sottises dans les lettres antiques auxquelles il disait adieu. Cassien pleurait d’avoir été dès sa jeunesse imbu de ces fables et trouvait qu’elles avaient gêné son âme dans ses élans vers Dieu.

Ces sentiments prirent encore plus de force au vï’= siècle. Alors Grégoire le Grand blâmait Didier, évêque de "Vienne, de ce qu’il enseignait la grammaire, sous prétexte que mêler les louanges de Jupiter à celles du Christ était indigne d’un évêque et ne conviendrait même pas à un laïque (Episl. xi). CÉSAiRE d’Arles, comme avant lui S. Jérôme, comme plus tard Alcuin, fut averti en songe, s’il faut l’en croire, de ne plus se livrer à l’étude des païens.

Mais ces hommes, tous instruits, ne signalaient que le danger des lettres profanes et n’en condamnaient que l’abus. Us les avaient cultivées et enseignées dans leur première jeunesse avec amour, et ils ne s’étaient retournés contre elles qu’à la fin de leur vie et sous le coup des malheurs publics, qui leur avaient inspiré des pensées et des soucis plus graves. Le soin qu’ils prennent de mettre leurs disciples en garde contre elles prouve que ceux-ci ne se privaient pas d’en goûter les charmes.

Pourtant ce mouvement de répulsion s’accrut pendant les guerres des Mérovingiens, quand la faiblesse des rois fainéants, les rivalités des maires du palais et enfin la rapacité de Charles-Martel, qui donna les évécUés et les abbayes à ses soldats, eurent absolument troublé les sanctuaires de l’étude. S. Lubin avait été jalousé par ses confrères de Chartres parce qu’il lisait, et dut s’éloigner d’eux. De même au vu’siècle, S. Leufroy (-j- 788), venu d’Evreux à Chartres pour y étudier, fut aussi poursuivi par l’envie et dut repartir. Mais, de retour en sa patrie, il y fut entouré d’élèves qu’il formait aux lettres et à la piété. A la même époque, l’évêque de Lisieux, Etiierius, ouvrait une école à tous les enfants de la cité. Grégoire de Tours, //is/. Franc, VI, xxxvi. Beaucoup répètent, disait Ambroise AirrERT (~ 778), que ce n’est plus maintenant le temps de disserter sur les Saintes Ecritures. Mais ces exemples, en prouvant qu’il y avait un courant contre l’étude, montrent que, même dans les pires époques, il n’était pas unanime et que quelques-uns s’y adonnaient toujours.

Heureusement pourtant, un mouvement tout à fait favorable aux lettres régnait depuis longtemps et se maintenait toujours dans des pays voisins de la Gaule, qui, situés hors de l’empire romain, avaient échappé aux premières invasions des Barbares, c’est-à-dire en Irlande et en Angleterre. Il florissait aussi en Germanie et en Italie.

En Irlande, dès le vi’siècle, les abbayes de lly, Lismore, Bangor, Clonfert, Clonard, Armagh, étaient des foyers intellectuels qui attiraient de nombreux élèves, non seulement d’Angleterre mais du continent, et envoyaient des légions d’apôtres et de lettrés en Gaule, en Italie, en.llemagne. On connaît surtout S. CoLOMBAN, qui en 690 passa le détroit avec S. LiÉviN qu’il laissa dans le lirabant, poussa jusque sur les terres deGontran, roi de Neustrie où il fonda les monastères d’Annegray, de Fontaine et de Luxeuil, et chez les Allemands où ses disciples établirent les monastères de Saint-Gall, de Reichenau, de Regensburg, de Freisingue et de Salzbourg

— et enfin jusqu’en Lonibardie où il créa lui-même le monastère de Bobbio. On sait que ce moine extraordinaire était fort cultivé et que ses établissements devinrent un peu plus tard des centres d’étude où enseignèrent des savants comme Virgile, évêque de Salzbourg (-j- 784), et Dobdan surnommé le Grec, évêque de Chierasée. Ces hommes ne connaissaient pas seulement l’Ecriture et les Pères, mais