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INSTRUCTION DE LA JEUNESSE

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IV. L’enseignement supérieur chrétien. — Le christianisme s’accommoda facilement, on le voit, des modes d’enseignement en usage dans le monde romain. Il en usa sans peur. Comme les autres, l’intransigeant Tertullien reconnaissaitdans l’étude des classiques, c’est-à-dire dans la préparation générale de l’esprit selon les mclhodes de son temps, la base nécessaire de toute étude, même religieuse.

« Gomment, écrit-il, repousserions-nous les connaissances

du siècle, sans lesquelles est impossible celle des choses divines : Quomodo repudiamus secularia studio, sine quibiis divina esse non pussunt : ’» (De idololairui, lo.) A plus forte raison parlait-on de même à Alexandrie. ClkmentvoîI dans la culture des sciences étrangères, c’est-à-dire de la littérature classique, un moyen de familiariser l’esprit du chrétien avec les différents modes de pensée, et de lui permettre ainsi de distinguer plus facilement la vérité et’eTreur(Stroniata, 1, ix).

Le nom de Clément d’.lexandrie me conduit à un autre ordre d’idées. Il rappelle l’usage le plus fructueux et le plus neuf fait par les chrétiens de la liberté de l’enseignement. A l’enseignement païen manquait une partie essentielle : l’enseignement du paganisme lui-même. On ne prêchait pas, on ne catéchisait pas dans les temples. Les adorateurs des dieux ne connaissaient ceux-ci que parles récits des poètes, par les tragédies ou les comédi’es, qui les présentaient quelquefois dans les plus bizarres postures, par des statues et des peintures qui n’étaient pas toujours fort édifiantes. Le paganisme n’avait [)as de doctrines, et ce que l’on enseignait de la morale l’était par les philosophes ou par les poètes, non par les prêtres. Julien l’.Vpostat avait été si frappé de cette lacune, qu’il essaya de faire prêcher dans les temples : mais cette réforme, imitation visil)le du christianisme, eut aussi peu de succès que de durée : on connaît un seul sermon païen, résumé par Liba-Nius. C’est même ce défaut complet de substance doctiinale qui rendit l’élude des écrivains païens relativement inotfensive aux écoliers chrétiens. Or, ce qui manquait tout à fait au paganisme est précisément ce qui lit la force de l’Eglise, grâce à l’enseignement spécial qui y fut donné.

Il y eut d’abord les instructions longues, méthodiques, que devaient suivre les catéchumènes avant d’être admis au baptême, et dont nous trouvons un si remarquable exemple dans les catéchèses de saint Cyrille db Jkrusalem. Mais il y eut autre chose encore : des cours de religion chrétienne destinés aux esprits cultivés, et professés dans des écoles qui furent de vrais établissements d’enseignement supérieur, œuvre originale du christianisme, et sans analogue en dehors de lui.

Le type le plus connu, mais non le seul, de ces établissements est l’école d’Alexandrie. Celle ci avait été fondée avant le m’siècle, et durait encore au iv’. L’enseignement, tout entier consacré à la philosophie relig.ieuse, était donné par un maître célèbre par sa doctrine et son éloquence, que désignait l’évêque d’Alexandrie. Tels furent Pantène, Clément, Ohi-GÈNE. Les ouvrages de Clément et probablement en partie ceux d’Origène redètent les idées qui avalent cours dans cette école, et la manière originale, parfois subtile, dont elles étaient exprimées. L’auditoire était fort mêlé : sur ses bancs venaient s’asseoir non les simples aspirants au christianisme, auxquelsctait donné ailleurs un enseignement plus élémentaire, mais ceux qu’attirait vers la profondeur de ses doctrines nne intelligence plus ouverte et une curiosité plus avide : on y voyait des hommes et des femmes, des auditeurs de tout âge, des savants, des philosophes, des gens élevés en dignité. Plusieurs se con vertissaient, parfois jusqu’au martyre, tous au moins se retiraient après avoir reçu une grande idée du christianisme. Moins qu Alexandrie, mais à un degré éminent encore, Ccsarée de Palestine devint un foyer de hautes études chrétiennes. Origè.ne y expliqua l’Ecriture sainte, l’exégète Pamphile y fonda une école et une bibliothèque : celle-ci possédera un jour trente mille volumes.

Tel est l’usage que tirent les antiques chrétiens de la liberté de l’enseignement. Dans les circonstances en apparence les plus défavorables, ils se servirent d’elle avec une énergique conliance. Ils étudièrent ou enseignèrent les sciences et les lettres selon les méthodes employées autour d’eux. Mais ils enseignèrent aussi, selon de nouvelles méthodes, les sciences religieuses qui n’existaient pas avant eux. Ils greffèrent ainsi sur le vieux tronc de l’enseignement romain une branche nouvelle, qui lui rendit peu à peu une nouvelle vie. Ils firent cela au milieu même des persécutions, sans s’inquiéter de savoirsi professeuis ou écoliers n’iraient pas grossir un jour le nombre des martyrs. Et ainsi ils triomphèrent.

Paul Allard.

III. — INSTRUCTION EN FRANCE AU MOYEN AGE

L’on a beaucoup répété, pendant tout le xix’siècle, et l’on répète encore dans certains Manuels d’histoire, mis entre les mains des enfants du peuple, que l’instruction, spécialement l’instruction populaire, ne date guère que de la Révolution, et l’on jette sur le Moyen Age l’accusation d’ignorance et d’obscurantisme. Et comme ce fameux Moyen Age était soumis à l’influence de l’Eglise, c’est jusqu’à l’Eglise même que l’on prétend faire remonter celle accusation. Elle ne s’est point préoccupée d’instruire le peuple, dit-on ; il lui suflisait de lui enseigner les rudiments de la foi.

Les auteurs et propagateurs de cette calomnie étaient pour la plupart suggestionnés parla passion politique et religieuse : ces sentiments de partialité percent sullisamment à travers levu-s allirmations, pour qu’elles soient dès l’abord frappées de suspicion. De plus, ils montrent une ignorance des faits historiques, qui n’était déjà guère pardonnable après les travaux des Bénédictins du xvii’et du xvui’siècle et qui ne 1 est plus du tout, après les études plus récentes, qui. sur tous les points de la France, ont révélé plus en détail le grand mouvement intellectuel qu’à toutes les époques, quoique à des degrés divers, l’Eglise a suscité dans les différentes classes de la société. L’enquête sur l’instruction en France avant la Révolution n’a pas encore été poussée partout aussi profondément qu’il est possible : mais elle est sullisamment avancée pour que déjà l’on puisse affirmer que l’instruction n’a jamais manque, même au peuple, pendant le Moyen.ge, comme on a bien voulu dire, et que l’Eglise l’a toujours donnée à ses clercs, à ses moines, à ses fidèles, dans la mesure que comportaient les progrès du temps et les besoins de tous. C’est ce qui résultera clairement de l’histoire sommaire de l’instruction au Moyen Age, telle qu’on peut la résumer d’après les travaux les plus récents.

I. L’instruction, de la chute de l’empire romain d’Occident à Charlemagne Ci^G-’jGiS). — Tant que l’empire ronuiin subsista, il assura l’instruction |)ubliqvie dans les grands centres surtout ; il y eut de plus, à coté des maîtres nommés et payés par lui, des maîtres libres qui enseignaient pour la